AUTORITÉ PALESTINIENNE - Lettre ouverte aux candidats aux élections législatives palestiniennes : mettre un terme à l’impunité et faire respecter l’état de droit

Index AI : MDE 21/002/2006

L’élection des membres du Conseil législatif palestinien donne à tous les candidats l’occasion de participer à un débat franc sur la nécessité de prendre des mesures pour protéger et promouvoir les droits humains face à la dégradation considérable de la sécurité en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Ceux qui seront élus au parlement palestinien auront la responsabilité, au cours des mois et des années à venir, de promulguer des lois répondant au désir longtemps inassouvi du peuple palestinien de voir ses droits fondamentaux respectés et de vivre dans un état de droit.

Amnesty International appelle tous les candidats à placer les droits humains en tête de liste de leurs priorités en faisant des propositions concrètes pour mettre fin à la violence entre factions et à l’impunité, et faire régner la justice. Ils devraient en particulier s’engager à demander des comptes à la direction de l’Autorité palestinienne et aux groupes armés, qui portent chacun une part de responsabilité dans l’accroissement de l’anarchie ambiante et la multiplication des atteintes aux droits humains.

SPIRALE DE LA VIOLENCE

Depuis le déclenchement de la deuxième Intifada il y a cinq ans, la violence entre Palestiniens s’est aggravée dans les zones des territoires occupés qui relèvent de l’Autorité palestinienne. La violence a atteint des niveaux sans précédent au cours de l’année passée, groupes armés et familles influentes, clans et factions rivalisant pour gagner plus d’influence politique et économique et profitant de l’absence d’un état de droit pour régler leurs comptes avec ceux qu’ils perçoivent comme rivaux ou ennemis.

Des centaines de Palestiniens ont été tués par d’autres Palestiniens dans des attaques délibérément ciblées ou pour avoir été présents lors d’affrontements armés entre des groupes rivaux, ou par suite d’un usage de plus en plus fréquent et irréfléchi d’armes à feu et d’explosifs dans des zones fortement peuplées. Des dizaines de Palestiniens ainsi que plusieurs journalistes et travailleurs humanitaires étrangers ont été enlevés par des groupes armés - affiliés pour la plupart au parti du Fatah - revendiquant pêle-mêle des postes dans le secteur public, des changements au niveau des institutions politiques de l’Autorité palestinienne ou de celles chargées de la sécurité et la libération de détenus.

Les victimes de ces attaques, qu’elles aient été délibérément ciblées ou qu’il se soit agi de passants pris dans une fusillade, n’ont aucun moyen d’obtenir justice ou réparation, la justice et les forces de l’ordre palestiniennes n’ayant ni la capacité ni la volonté de faire en sorte que soient traduits en justice les membres des groupes politiques armés, des familles ou des clans influents à l’origine de ces attaques.

Des dizaines d’années d’occupation militaire et d’attaques incessantes par les forces israéliennes ont sans aucun doute contribué à la dégradation de la sécurité et aux conséquences qui en découlent. Les attaques répétées de l’armée israélienne à la fois contre le dispositif sécuritaire de l’Autorité palestinienne et contre des Palestiniens ordinaires et leurs biens, ainsi que les barrages militaires autour des villes et des villages palestiniens ont sans cesse entravé le fonctionnement des institutions de l’Autorité palestinienne et paralysé l’économie palestinienne, générant chômage, pauvreté et désespoir dans toute la Cisjordanie et la bande de Gaza.

Toutefois, les conséquences des trente-huit années d’occupation ainsi que l’action et la politique destructrices d’Israël dans les territoires occupés ne diminuent en rien la responsabilité de l’Autorité palestinienne et des factions politiques et groupes armés en ce qui concerne l’augmentation de la violence et du chaos internes qui ont fait de nombreuses victimes et provoqué un sentiment d’insécurité chez les Palestiniens vivant dans la bande de Gaza et en de nombreux endroits de Cisjordanie. Les actions de destruction réciproque des groupes armés palestiniens et l’absence de volonté de la part de l’Autorité palestinienne d’exiger de ces groupes qu’ils rendent compte de leurs actes sont les principales causes de la détérioration grandissante de l’ordre public et de la sécurité. Il est impératif que l’Autorité palestinienne et ses institutions, notamment le Conseil législatif palestinien, relèvent ces importants défis de toute urgence.

Les candidats au Conseil législatif palestinien devraient :

 condamner sans équivoque les homicides délibérés sur la personne de civils - quelles que soient l’identité des victimes et les circonstances - et s’engager à prévenir et punir toute attaque future contre des civils ;

 proposer la mise en place de mécanismes chargés de veiller à ce que les institutions de l’Autorité palestinienne enquêtent sur toutes les affaires d’homicide et autres atteintes aux droits humains et à ce que les auteurs et instigateurs présumés de tels actes soient traduits en justice ;

 s’engager à mettre le droit palestinien en conformité avec le droit international, de sorte que les crimes prévus par le droit international soient reconnus comme tels en droit palestinien, et veiller à ce que les textes de loi nécessaires soient promulgués et appliqués.

IMPUNITÉ DES AUTEURS D’ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS

Des atteintes aux droits humains continuent d’être perpétrées en toute impunité, le chaos s’étend et les Palestiniens se montrent de plus en plus enclins à vouloir faire leur propre justice.

La dégradation de la sécurité dans la bande de Gaza et dans les territoires occupés est due en grande partie à la culture d’impunité qui s’est implantée au cours de ces dernières années, les autorités palestiniennes ayant systématiquement négligé de poursuivre en justice les auteurs présumés d’atteintes graves aux droits humains, qu’il s’agisse d’homicides sur la personne de civils palestiniens ou israéliens, d’enlèvements ou d’actes de torture. Devant une telle situation, les victimes, qui n’ont aucun espoir d’obtenir justice et réparation par l’intermédiaire des forces de sécurité ou des institutions de l’Autorité palestinienne, tendent de plus en plus à se faire justice elles-mêmes, alimentant ainsi le chaos.

L’impunité dont bénéficient les auteurs et instigateurs présumés d’homicides sur la personne de civils, d’enlèvements, d’actes de torture et autres graves atteintes aux droits humains - recrutés tant dans les rangs des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne que parmi les membres de groupes politiques armés et de factions politiques - a été si importante que les auteurs de ces actes se considèrent comme au-dessus des lois.

Cette situation a encouragé d’autres abus, tant et si bien que les Palestiniens ordinaires ont de plus en plus le sentiment que leur vie et celle de leur famille sont constamment en danger, que leurs droits fondamentaux ne sont pas protégés comme ils le devraient par la loi et qu’on leur refuse justice et réparation pour les violations subies.

Des mesures doivent être prises pour amener les auteurs présumés d’homicides, enlèvements, actes de torture et autres crimes à rendre compte de leurs actes, quels que soient les victimes ou les auteurs présumés.

Les candidats au Conseil législatif palestinien devraient :

 exiger des autorités judiciaires que soient menées des enquêtes indépendantes et impartiales sur les homicides, actes de torture et autres atteintes aux droits humains et que les auteurs présumés de tels actes soient jugés équitablement dans les meilleurs délais ;

 s’engager à renforcer le système judiciaire en adoptant des mesures concrètes pour garantir l’indépendance de la justice, renforcer les pouvoirs des tribunaux et veiller à ce que les personnes accusées de violations des droits humains soient poursuivies et jugées lors de procès équitables, en conformité avec le droit international ;

 s’engager à allouer les ressources nécessaires à la tenue d’enquêtes impartiales et concluantes sur les violations des droits humains ; à la mise en place de procédures permettant que de telles enquêtes soient menées, et à la surveillance de leur déroulement et de leur issue.

PROMOTION DES DROITS DES FEMMES ET LUTTE CONTRE LEUR DISCRIMINATION

Les Palestiniennes ont enduré en silence des dizaines d’années de souffrance en raison de l’occupation et du conflit. Beaucoup ont été tuées ou blessées, d’autres ont passé de longues années dans les prisons israéliennes. Beaucoup ont été affectées par la mort ou l’emprisonnement de leurs enfants ou de leur mari et par la destruction de leur maison. Les femmes sont aussi victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux au sein de la société palestinienne. Beaucoup ont été tuées pour des raisons d’ « honneur familial » ; d’autres ont subi des violences aux mains de leur père, de leur mari ou de leurs frères et toutes sont affectées par les lois et pratiques institutionnalisant l’inégalité et la discrimination à l’égard des femmes et niant leurs droits fondamentaux.

Les candidats au Conseil législatif palestinien devraient :

 condamner sans équivoque le meurtre et les autres atteintes aux droits des femmes perpétrées pour des raisons d’ « honneur », et demander qu’il soit mis fin à ces pratiques et que les auteurs de tels actes soient traduits en justice ;

 s’engager à défendre et promouvoir les droits des femmes, en faisant notamment modifier les lois discriminatoires à leur égard ;

 s’engager à soutenir les organisations de la société civile qui œuvrent à la protection et la promotion des droits des femmes, et travailler à leurs côtés.

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