Cambodge. Les personnes injustement condamnées pour le meurtre d’un responsable syndical doivent être libérées. Quatre ans après les faits, justice n’a toujours pas été rendue dans l’affaire du meurtre de Chea Vichea

Déclaration publique

ASA 23/001/2008

Quatre ans après le meurtre de Chea Vichea, le responsable syndical le plus en vue du Cambodge, six organisations internationales de défense des droits humains de premier plan, ainsi que la plus importante fédération syndicale du monde ont appelé les autorités cambodgiennes à disculper et libérer les deux hommes qui ont été injustement condamnés pour ce crime.

Dans une déclaration commune, Human Rights Watch, Amnesty International, l’Asian Human Rights Commission, l’Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA), l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (un programme conjoint de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme et de l’Organisation mondiale contre la torture) et la Confédération syndicale internationale soulignent qu’il est gravement préoccupant que Born Samnang et Sok Sam Oeun soient maintenus en détention alors qu’aucune preuve digne de foi n’a été retenue contre eux.

Le 28 janvier marquera le quatrième anniversaire de l’arrestation de Born Samnang et de Sok Sam Oeun, qui ont été accusés du meurtre de Chea Vichea, président du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC), tué le 22 janvier 2004. Les deux hommes ont été reconnus coupables de cet assassinat et condamnés à l’issue d’un procès manifestement inique qui s’est tenu en août 2005. Ils purgent actuellement une peine de vingt ans de prison.

« Depuis le début, cette affaire est marquée par de graves irrégularités de procédure et violations des droits relatifs à un procès équitable », a déclaré Sara Colm, responsable de recherche au sein de l’organisation Human Rights Watch, basée à New-York. « Pour que justice soit rendue, il faudrait tout d’abord que ceux qui ont été injustement condamnés pour le meurtre de Chea Vichea soient libérés immédiatement. »

Les enquêtes menées par la police et par les autorités judiciaires ont été entachées de nombreuses irrégularités. La police aurait torturé Born Samnang pour lui arracher des « aveux ». Un juge qui avait décidé d’abandonner les poursuites engagées contre les deux hommes pour manque de preuves a été promptement démis de ses fonctions, et les poursuites judiciaires ont été réengagées. Le procès qui a suivi s’est déroulé d’une manière qui a violé de manière flagrante la législation cambodgienne et les normes d’équité internationales. En avril 2007, la Cour d’appel du Cambodge a confirmé les condamnations prononcées contre Born Samnang et Sok Sam Oeun bien que le procureur de cette juridiction ait reconnu que les preuves étaient insuffisantes.

La famille de Chea Vichea a déclaré que, selon elle, Born Samnang et Sok Sam Oeun n’étaient pas responsables du crime. C’est également ce qu’a indiqué le principal témoin de cet assassinat, Var Sothy, qui a fui le pays car il craignait pour sa vie.

« Certains éléments prouvent de façon éclatante que les deux hommes ont été utilisés comme boucs émissaires et injustement accusés de ce meurtre par les autorités, et personne n’est dupe de cette imposture », a souligné Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), qui est basée à Paris.

La manière dont les autorités cambodgiennes ont agi dans cette affaire a été largement critiquée, au niveau tant national qu’international, par des militants des droits humains, des avocats et des syndicalistes, entre autres. L’Organisation internationale du travail et le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour les droits de l’homme au Cambodge ont exprimé à plusieurs reprises leur grave inquiétude au sujet de la condamnation des deux hommes et ont appelé à une nouvelle enquête sur le meurtre de Chea Vichea.

« Tout examen objectif de l’ensemble des preuves disponibles montre que ces deux hommes n’auraient jamais dû être arrêtés, et encore moins incarcérés ; cela fait déjà quatre ans qu’ils sont en prison », a déclaré Basil Fernando, directeur exécutif de l’Asian Human Rights Commission, organisation dont le siège est à Hong Kong.

Les sept organisations, qui demandent que les deux hommes soient disculpés et immédiatement libérés, exhortent également le gouvernement cambodgien à ouvrir une enquête exhaustive et impartiale sur le meurtre de Chea Vichea, ainsi qu’une enquête indépendante et publique sur la façon dont les poursuites ont été menées contre Born Samnang et Sok Sam Oeun. Cela devrait notamment comprendre une enquête sur les allégations de violences policières, d’intimidation de témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire.

Le meurtre de Chea Vichea n’est pas un acte isolé : au Cambodge, les syndicalistes sont systématiquement victimes de violences depuis longtemps. Ainsi, Hy Vuthy, un responsable du FTUWKC, et Ros Sovannarith, un membre du comité directeur du FTUWKC, ont été assassinés en février 2007 et en 2004 respectivement, et d’autres membres de ce syndicat ont été victimes de toute une série d’agressions physiques.

«  Les meurtres de Chea Vichea et d’autres responsables syndicaux ont porté un coup dur aux droits et libertés des travailleurs au Cambodge, d’autant plus qu’aucune enquête digne de ce nom n’a été menée pour retrouver les assassins », a déclaré Guy Ryder, responsable de la Confédération syndicale internationale, qui est basée à Bruxelles et qui regroupe 311 organisations représentant 168 millions de travailleurs à travers le monde. « Ces agissements visent lamentablement à faire savoir aux travailleurs cambodgiens qu’ils mettent en jeu leur sécurité s’ils adhèrent à un syndicat ou mènent des activités syndicales. »

Les sept organisations ont exhorté le gouvernement cambodgien à prendre d’urgence des mesures pour remédier aux principaux problèmes que soulève cette affaire : l’impunité et le non-respect de l’état de droit, qui sont endémiques au Cambodge, l’ingérence du gouvernement dans le fonctionnement de la justice, les manœuvres d’intimidation et les violences dont sont victimes les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués, ainsi que l’utilisation très fréquente de la torture par la police.

«  Cette affaire attire l’attention sur le fait que la police cambodgienne recourt à la torture, principalement en vue d’obtenir des "aveux" de la part de suspects, et que les tribunaux sont prêts à fermer les yeux sur ces agissements », a déclaré Eric Sottas, directeur de l’Organisation mondiale contre la torture, qui a son siège à Genève. « Le gouvernement et les tribunaux cambodgiens devraient prendre des mesures efficaces pour empêcher et sanctionner l’utilisation de la torture. »

« Quatre années se sont écoulées depuis le meurtre de Chea Vichea, et les véritables assassins sont toujours en liberté tandis que deux innocents sont en prison », a indiqué Brittis Edman, qui s’occupe des recherches sur l’Asie du Sud-Est au sein d’Amnesty International, organisation basée à Londres. « Cette profonde injustice montre que les principes du droit sont dans un triste état au Cambodge et qu’il est urgent que soit mise en œuvre une véritable réforme législative et judicaire. »

« Les donateurs qui versent au Cambodge des millions de dollars d’aide, en particulier ceux qui soutiennent les soi-disant programmes de réformes du gouvernement, doivent demander que de véritables progrès soient réalisés – et ne pas se contenter d’un plaidoyer rituel – en matière d’indépendance et de professionnalisme du pouvoir judiciaire », a déclaré Anselmo Lee, directeur exécutif du FORUM-ASIA.

Pour obtenir des informations complémentaires sur le meurtre de Chea Vichea et sur le procès de Born Samnang et de Sok Sam Oeun, veuillez consulter les documents suivants :

Document d’information de la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (LICADHO) publié en juin 2007 et intitulé Innocent Prisoners Awaiting Justice, consultable à l’adresse suivante : http://licadho.org/reports/files/107LICADHOPaperSummaryBSSSO07.pdf

Déclaration du 18 avril 2007 de l’Organisation internationale du travail, intitulée ILO statement on appeal hearing for murder of Chea Vichea, consultable à l’adresse suivante : http://www.ilo.org/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Press_releases/lang—fr/WCMS_082411/index.htm

Déclaration du 12 avril 2007 du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour les droits de l’homme au Cambodge, intitulée The Special Representative expresses deep regret over the upholding of the sentences against Born Samnang and Sok Sam Oeun, consultable à l’adresse suivante : http://cambodia.ohchr.org/Documents/Statements%20and%20Speeches/English/322.pdf

Déclaration écrite, datant du 10 août 2006, du principal témoin du meurtre de Chea Vichea, consultable (en anglais) à l’adresse suivante :
http://licadho.org/news/files/VaSothyStatementTransEN.pdf

Plainte en date du 3 octobre 2006 relative à l’affaire Chea Vichea déposée par la Confédération internationale des syndicats libres (devenue depuis la Confédération syndicale internationale) auprès de l’Organisation internationale du travail, consultable à l’adresse suivante : http://www.icftu.org/www/PDF/CFAComplaint2318CheaVichea2006.pdf

Vous trouverez d’autres informations générales sur cette affaire à l’adresse suivante :http://www.hrw.org/english/docs/2006/10/03/cambod14314.htm

Pour plus d’informations, veuillez prendre contact avec les personnes suivantes :

À Washington : Sara Colm, de Human Rights Watch : +1-301-980-8835 (portable)

À Bruxelles : Mathieu Debroux, du service de presse de la Confédération syndicale internationale : +32-2-224-0204 ou +32-476-621-018

À Londres : Brittis Edman, d’Amnesty International : +44-794-692-4473

À Paris : Gaël Grilhot, de la FIDH : +33-1-43-55-25-18

À Genève : Eric Sottas, de l’Organisation mondiale contre la torture : +41-22-809-4939

À Hong Kong : Basil Fernando, de l’Asian Human Rights Commission : +85-2698-6339

À Bangkok : Em Gil, du FORUM-ASIA : +66-84-092-3575

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