Écrire Une exécution programmée malgré la révélation d’une faute du parquet

Jamie Mills doit être exécuté en Alabama le 30 mai 2024. En 2007, il a été déclaré coupable du meurtre d’un couple de personnes âgées, commis en 2004, et condamné à mort après que le jury s’est prononcé en faveur de la peine capitale à 11 voix contre une.

De nouveaux éléments ont révélé que la principale témoin à charge, qui risquait alors d’être jugée pour les mêmes accusations de meurtre passible de la peine de mort que Jamie Mills, s’était vu proposer un accord sur la peine encourue en échange de son témoignage, ce que le parquet a nié lors du procès.

Nous appelons la gouverneure de l’Alabama à reconnaître que le droit de grâce accordé au pouvoir exécutif sert de filet de sécurité contre les injustices auxquelles les tribunaux n’ont pas pu remédier et à commuer cette condamnation à mort.

Le 24 juin 2004, un homme de 87 ans a été retrouvé mort chez lui à Guin, en Alabama, à la suite de traumatismes contondants et pénétrants au niveau de la tête et du cou. Son épouse âgée de 72 ans a également été trouvée sur place, présentant des blessures multiples. Elle était encore en vie, mais elle est morte deux mois et demi plus tard et il a été établi que son décès était dû à des complications de traumatismes contondants. De l’argent et des médicaments avaient été volés à leur domicile. Jamie Mills et sa femme JoAnn Mills ont été arrêtés après la découverte dans le coffre de leur voiture de médicaments appartenant aux victimes ainsi que de vêtements et d’outils portant des traces de sang des victimes.

Jamie Mills a été inculpé de meurtre passible de la peine capitale et jugé en 2007. Les éléments à charge reposaient essentiellement sur le témoignage de JoAnn Mills (qui avait également été inculpée de meurtre passible de la peine capitale) et sur les pièces à conviction trouvées dans leur voiture. JoAnn Mills a affirmé lors du procès que, la veille des meurtres, elle et son mari avaient passé la nuit à fumer de la méthamphétamine avant de se rendre le jour suivant au domicile des victimes pour chercher de l’argent afin d’acheter de la drogue, et que Jamie Mills avait frappé violemment le couple.

D’après son témoignage, une fois de retour chez eux, son mari avait appelé B.H., un toxicomane du quartier qu’ils connaissaient, qui était ensuite venu acheter certains des médicaments volés. Selon la défense de Jamie Mills, il était innocent, JoAnn Mills mentait et B.H., soupçonné dans un premier temps après avoir été arrêté en possession de médicaments appartenant aux victimes et d’une grosse somme d’argent, et qui était venu chez les Mills à de nombreuses reprises (dont deux fois le jour des meurtres), aurait pu le piéger notamment en plaçant les pièces à conviction dans le coffre de leur voiture, qui ne pouvait pas être verrouillé.

JoAnn Mills avait initialement déclaré à la police, au cours de deux dépositions distinctes, qu’elle soupçonnait B.H. d’avoir placé les armes du crime dans leur voiture et qu’il avait déjà apporté chez eux des objets volés auparavant. Lors d’une troisième déposition faite plus tard, elle a mis en cause Jamie Mills.

Au procès, dans son réquisitoire, le procureur a affirmé au jury que la défense n’avait pas réussi à mettre en doute la crédibilité de JoAnn Mills et qu’aucune promesse ne lui avait été faite en échange de son témoignage. Elle-même a déclaré sous serment qu’elle n’avait bénéficié d’aucun accord sur la peine et que son témoignage ne lui permettrait pas de ne plus encourir la peine de mort ou la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Le procureur a également déclaré sous serment qu’il n’avait pas négocié d’accord sur la peine avec JoAnn Mills. L’avocat de Jamie Mills a ensuite demandé : « Ni une promesse, ni un peut-être, ni un coup de coude, ni un clin d’œil ? Parce que nous pensons qu’il est peu crédible que son avocat l’ait laissée témoigner comme elle l’a fait sans aucune incitation de ce type. » Ce à quoi le procureur a répondu : « Il n’y en a aucune [...]. Je ne lui ai fait aucune promesse, rien. »

Le jury a déclaré Jamie Mills coupable de meurtre passible de la peine capitale. Par 11 voix contre une, il a voté en faveur d’une condamnation à mort, que le juge a prononcée le 14 septembre 2007. Dix jours après, le parquet a abandonné les poursuites pour meurtre passible de la peine capitale contre JoAnn Mills. Elle a plaidé coupable de meurtre et a été condamnée à la réclusion à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle.

Le 26 février 2024, l’avocat de JoAnn Mills a signé une déclaration sous serment indiquant que, avant le témoignage de sa cliente en 2007, le procureur avait en fait promis de renoncer à la peine de mort dans son cas et proposé de requérir une peine de réclusion à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle si elle acceptait de témoigner contre Jamie Mills.

Dans cette déclaration, l’avocat a notamment écrit : « Avant le procès de Jamie Mills, j’ai eu plusieurs discussions » avec le procureur de district du comté de Marion « au sujet d’une proposition d’accord sur la peine [...]. Avant qu’elle témoigne sous serment dans la procédure contre Jamie Mills, JoAnn et moi avons rencontré [le procureur] et la fille des victimes. J’ai présenté les éléments dramatiques de l’histoire de JoAnn à titre de circonstances atténuantes. Après avoir pris connaissance de l’enfance terrible de JoAnn, la famille des victimes a accepté qu’elle bénéficie d’un accord sur la peine aux termes duquel elle serait condamnée à la réclusion à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle si elle témoignait avec sincérité au procès de Jamie Mills » et le procureur a accepté de « ne pas la poursuivre pour le chef d’accusation passible de la peine capitale » mais « pour meurtre si elle plaidait coupable ».

Cela signifierait que le procureur a menti lorsqu’il a affirmé au procès que JoAnn Mills avait témoigné sans qu’il y ait eu le moindre « coup de coude » ou « clin d’œil » et sans avoir reçu de proposition ou de promesse d’accord sur la peine. Par conséquent, la réponse de JoAnn Mills – « Non » – à la question posée par le procureur, alors qu’elle se trouvait à la barre en tant que témoin, sur le fait qu’elle avait ou non « reçu une proposition d’accord, d’offre ou d’autre chose du même genre » – était fausse. De plus, sa déclaration selon laquelle elle comprenait que, à la suite de son témoignage elle serait tout de même « condamnée soit à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, soit à la mort par injection létale » – était également inexacte.

Non seulement pendant le procès, mais aussi lors des audiences ayant suivi la déclaration de culpabilité et des procédures en appel devant les juridictions d’État et la justice fédérale, le parquet a toujours soutenu qu’au moment du procès de Jamie Mills, aucun accord sur la peine n’avait été négocié avec la principale témoin à charge. Lorsque la cour fédérale de district a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine capitale prononcées contre lui en 2020, le juge fédéral a écrit : « JoAnn a déclaré sous serment lors du procès qu’elle n’avait conclu aucun accord en échange de son témoignage.

[La défense de] M. Mills l’a interrogée en détail pour tenter de savoir si elle avait conclu un accord en échange de son témoignage. Le procureur a déclaré que le parquet n’avait fait aucune promesse à JoAnn, que le parquet n’avait pas laissé entendre qu’une promesse pourrait être faite si elle témoignait avec sincérité, et qu’il n’y avait pas eu la moindre forme d’incitation pour obtenir le témoignage de JoAnn. »

Des procédures ont été engagées par les avocats de Jamie Mills devant une juridiction d’État et une juridiction fédérale au regard des nouveaux éléments révélés dans la déclaration sous serment de l’avocat de JoAnn Mills.

Toute personne encourant la peine capitale doit bénéficier de toutes les garanties d’une procédure régulière selon l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que les États-Unis ont ratifié en 1992. Les Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort disposent : « La peine de mort ne peut être infligée que lorsque la culpabilité repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant place à aucune autre interprétation des faits ».

Depuis 1976, 1 587 personnes ont été exécutées aux États-Unis, dont 73 en Alabama. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances.

J'agis

PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-DESSOUS

Madame la Gouverneure,

Je vous écris pour vous demander instamment d’accorder une mesure de clémence à Jamie Mills, qui doit être exécuté en Alabama le 30 mai 2024. Ma démarche ne vise aucunement à minimiser la gravité des crimes violents, ni leurs conséquences dévastatrices.

J’ai cependant appris avec consternation que, plus d’une décennie et demie après que le parquet a nié avoir proposé un accord sur la peine à la principale témoin à charge en échange de son témoignage, il semblerait désormais que cette affirmation était fausse. Cette témoin risquait elle-même d’être jugée pour meurtre passible de la peine capitale dans la même affaire que celle pour laquelle Jamie Mills est maintenant face à la perspective d’une exécution imminente. L’avocat de cette femme a signé au début de l’année une déclaration sous serment indiquant qu’un accord sur la peine proposé par le procureur de district du comté de Marion avait été accepté en échange de son témoignage, aux termes duquel les poursuites pour meurtre passible de la peine capitale, la condamnation à mort et la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle seraient exclues si elle témoignait contre Jamie Mills.

Les Principes directeurs des Nations unies applicables au rôle des magistrats du parquet prévoient que ces derniers « respectent et protègent la dignité humaine et défendent les droits de la personne humaine, contribuant ainsi à garantir une procédure régulière et le bon fonctionnement du système de justice pénale ». Le comportement du procureur de district dans cette affaire ne semble pas avoir été conforme à cette exigence, ce qui nuit à la réputation de la justice pénale et à l’intégrité de la procédure judiciaire, ainsi qu’à la confiance dans le verdict du jury. Il est possible que, si le jury avait été au courant de cet accord sur la peine, il aurait considéré ce témoignage différemment et aurait pu aboutir à un autre verdict, aussi bien sur la culpabilité de l’accusé que sur la peine à appliquer. Les garanties internationales pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort disposent que cette peine « ne peut être infligée que lorsque la culpabilité repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant place à aucune autre interprétation des faits ».

En l’absence d’examen complet de ces nouveaux éléments sur le fond par une juridiction, le droit de grâce conféré au pouvoir exécutif reste la seule voie de recours. Je vous appelle donc à suivre cette voie.

Je vous prie d’agréer, Madame la Gouverneure, l’expression de ma haute considération.

VOS APPELS : anglais. Vous pouvez également écrire dans votre propre langue.


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