Écrire Simulacre de procès collectif contre 84 émiriens

Le procès collectif inéquitable de 84 hommes émiriens, notamment les défenseurs des droits humains et prisonniers d’opinion Ahmed Mansoor, Mohammed al Roken et Nasser bin Ghaith, sur la base de charges indéterminées aux termes d’un acte d’inculpation pour l’instant gardé secret, est en cours.

Le 7 février 2024, durant la cinquième audience devant la Cour d’appel fédérale siégeant à Abou Dhabi, les accusés ont déclaré être toujours en détention à l’isolement, et ont contesté l’argumentaire de l’accusation, selon laquelle ces nouvelles charges retenues contre eux seraient différentes de celles pour lesquelles ils ont été reconnus coupables et condamnés en 2013.

Initialement, il avait été annoncé qu’il y aurait au total 87 accusés dans ce nouveau procès de masse. Ce n’est que le 6 janvier 2024, lorsque les autorités des Émirats arabes unis ont finalement annoncé le procès via l’agence de presse officielle WAM, qu’il a été confirmé qu’ils seraient en réalité 84.

De multiples violations flagrantes des droits des accusés à un procès équitable ont été constatées depuis le début de ce nouveau procès de masse le 7 décembre 2023, notamment l’orientation des témoignages par les autorités, la non-divulgation d’informations clés telles que les chefs d’accusation exacts ou les articles de loi invoqués pour porter les accusations, les restrictions imposées aux avocats s’agissant de partager des documents relatifs à l’affaire avec les accusés et leurs familles, et l’interdiction faite aux membres de la famille d’assister aux audiences pendant le procès.

Lors de la deuxième audience devant la cour, le 14 décembre 2023, les familles des accusés ont été escortées vers une pièce séparée où elles pouvaient regarder les débats sur un écran, mais il n’y avait pas de son, ce qui les a empêchés de suivre les échanges. Les familles ont protesté et ont finalement été autorisées à assister au procès dans la salle d’audience le 7 février 2024. Selon un proche d’un accusé, tous les accusés étaient enchaînés, et l’audience s’est tenue de 10 heures à 15 h. Alors que le juge s’apprêtait à ajourner comme prévu l’audience jusqu’au lendemain, Mohammed al Roken a demandé qu’elle soit reportée à la semaine suivante : la prison d’al Razeen étant située à trois heures de route du tribunal d’Abou Dhabi, les accusés sont réveillés à minuit pour être préparés pour leur transfert.

Le 19 janvier 2024, de nombreux expert·e·s des Nations unies ont déclaré qu’ils étaient « extrêmement préoccupés par le fait que les nouvelles charges retenues contre au moins 84 membres de la société civile, notamment des défenseurs des droits humains, des militants et des opposants politiques, au titre de la loi antiterroriste de 2014, violent l’interdiction internationale de la double peine et de la rétroactivité de la loi pénale ». L’interdiction de la double peine est le principe légal selon lequel un accusé ne peut être poursuivi une deuxième fois pour une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté.

En 2014, les Émirats arabes unis ont fermé de fait l’espace restreint dont disposait la dissidence dans le pays en arrêtant arbitrairement des dizaines de personnes émiriennes, notamment parmi celles qui avaient signé une pétition en mars 2011 afin de demander une réforme démocratique aux dirigeants du pays. En 2013, le procès collectif et d’une iniquité flagrante de 94 personnes, connu sous le nom de l’affaire des « 94 Émiriens », a abouti à la condamnation de 69 d’entre elles à des peines d’emprisonnement allant de sept à 15 ans, alors que la plupart n’avaient rien fait d’autre que réclamer des réformes et se prononcer en faveur de la démocratie.

En vertu du droit émirien de l’époque, le jugement était définitif et n’a pas pu faire l’objet d’un appel, ce qui représente une violation du droit international. Sur les 69 hommes condamnés, cinq l’ont été à sept ans de prison, 56 à 10 ans et huit ont été condamnés à 15 ans de prison par contumace.

Cinquante-neuf des personnes emprisonnées dans le cadre de cette affaire se trouvent toujours en détention arbitraire, bien qu’elles aient purgé leur peine.

Mohammed al Roken, éminent avocat spécialiste des droits humains et ancien président de l’Association des juristes des Émirats arabes unis, a été arrêté le 17 juillet 2012. Il a été condamné en juillet 2013 à 10 ans de prison, suivis de trois années de mise à l’épreuve, à l’issue du procès des « 94 Émiriens ». Il aurait dû être libéré le 17 juillet 2022.

Le défenseur des droits humains Ahmed Mansoor a été arrêté le 20 mars 2017, et condamné à 10 ans de prison en mai 2018. Ahmed Mansoor a été déclaré coupable de diverses infractions, notamment d’« atteinte au “statut et au prestige des Émirats arabes unis et de leurs symboles”, y compris de leurs dirigeants ». Il est maintenu en détention à l’isolement depuis son arrestation. Jusqu’à son arrestation, Ahmed Mansoor était l’une des seules voix indépendantes qui s’exprimaient encore contre les violations des droits humains depuis l’intérieur du pays, après la fin du procès collectif de 2013.

Le défenseur des droits humains Nasser bin Ghaith purge actuellement une peine de 10 ans de prison, prononcée contre lui le 29 mars 2017 par la Cour d’appel fédérale d’Abou Dhabi. Il avait été condamné pour divers chefs d’accusation, notamment « publication de fausses informations » sur des dirigeants des Émirats arabes unis et leurs politiques, en raison de commentaires qu’il avait publiés sur X (anciennement Twitter) et dans lesquels il disait ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable dans une affaire précédente concernant également quatre autres Émiriens. Au cours de son procès en 2017, les autorités ont limité ses contacts avec son avocat, ce qui l’a empêché de préparer correctement sa défense.

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