Un militant des droits humains comparaît en justice pour avoir dénoncé des problèmes de pollution en Tunisie

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : MDE 30/015/2009 -
4 novembre 2009

Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle du militant des droits humains Zouheir Makhlouf, qui s’est vu refuser la liberté sous caution lorsqu’il a comparu devant un juge mardi 3 novembre 2009. L’organisation le considère comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé sans violence son droit à la liberté d’expression et s’être opposé pacifiquement au gouvernement tunisien.

Arrêté le 20 octobre 2009, Zouheir Makhlouf a comparu en première audience le 3 novembre devant le tribunal de première instance de Grombalia, à 37 kilomètres au sud de Tunis. Inculpé de « perturbation de la quiétude de tiers via le réseau de télécommunications publiques » au titre de l’article 86 du Code des télécommunications, il encourt une peine d’emprisonnement pouvant atteindre deux ans et une amende pouvant s’élever à 1 000 dinars tunisiens (520 euro). Sa demande de remise en liberté sous caution ayant été refusée, il a été placé en détention provisoire jusqu’à la prochaine audience le 24 novembre. Il est actuellement incarcéré à la prison de Mornaguia, près de Tunis.

Zouheir Makhlouf a été arrêté et poursuivi pour avoir diffusé une vidéo illustrant le problème de la pollution et la déficience des infrastructures et des services élémentaires dans la zone industrielle de la ville de Nabeul, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Tunis. Il a mis en ligne cette vidéo sur Facebook début octobre 2009 et aurait prévu de publier un article sur la pollution dans l’hebdomadaire d’opposition al-Mawkif. Cette vidéo a été filmée dans le cadre de sa campagne pour les élections législatives tunisiennes du 25 octobre, où il devait se présenter comme candidat du Parti démocrate progressiste (PDP) ; mais ce parti d’opposition a par la suite décidé de ne pas participer à ce scrutin.

Une fois la vidéo mise en ligne, l’un des ouvriers de la zone industrielle de Nabeul, filmé en train de dénoncer le problème de la pollution et de se plaindre des conditions de travail, a porté plainte. Il a affirmé qu’il n’avait pas donné l’autorisation à Zouheir Makhlouf de le faire apparaître dans son film. Toutefois, sa plainte serait consécutive à des pressions exercées contre lui par les services de sécurité tunisiens. Une autre personne, prête semble-t-il à confirmer que Zouheir Makhlouf avait bien obtenu l’autorisation de cet ouvrier pour qu’il figure dans la vidéo, aurait également changé d’avis et accepté de devenir témoin à charge après avoir essuyé des menaces de la part de responsables des services de sécurité.

Lors de l’audience du 3 novembre, Zouheir Makhlouf aurait comparu affaibli, éprouvant des difficultés à parler et à se tenir debout. Il souffre de diabète et, selon son avocat, il a entamé une grève de la faim il y a plus de dix jours pour protester contre son arrestation et sa détention. Ancien prisonnier politique, Zouheir Makhlouf écrit pour Assabil Online, site Internet d’information tunisien. Il est membre de la section tunisienne d’Amnesty International et de l’organisation de défense des droits humains Liberté et Equité.

L’audience s’est déroulée en présence de nombreux membres des forces de sécurité, en uniforme et en civil, déployés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du tribunal. Ils ont physiquement empêché journalistes et défenseurs des droits humains de pénétrer dans l’enceinte de la cour de justice. Sihem Ben Sedrine, journaliste et porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), a été bousculée, frappée et insultée par les forces de sécurité.

Les autorités tunisiennes ont pris des mesures encore plus répressives contre les détracteurs pacifiques du gouvernement du président Zine el Abidine Ben Ali ces dernières semaines, avant et après les élections nationales. Elles continuent de harceler, d’intimider et de menacer les défenseurs des droits humains et les militants de la société civile. Ceux qui exercent leur droit à la liberté d’expression sont souvent harcelés et risquent d’être inculpés d’infractions pénales et incarcérés.

Amnesty International considère Zouheir Makhlouf comme un prisonnier d’opinion, poursuivi pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression, et demande sa libération immédiate et inconditionnelle, ainsi que l’abandon des charges retenues contre lui.

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