Communiqué de presse

Les armes « à létalité réduite » peuvent tuer et des policiers les utilisent à mauvais escient pour torturer

Des organes chargés de l’application des lois dans le monde abusent régulièrement d’armes et d’équipements dits à « létalité réduite » pour commettre des actes de torture, et l’utilisation de ces articles peut par ailleurs avoir des conséquences mortelles, ont déclaré Amnesty International et la Fondation de recherche Omega lundi 13 avril, à l’occasion de la publication d’une nouvelle synthèse lors du Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime à Doha, au Qatar.

Ce document illustre les risques médicaux et autres associés à l’utilisation d’une vaste gamme d’armes et d’équipements employés dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, notamment pour maîtriser les mouvements de foule lors de manifestations, ainsi que dans des prisons. Il recommande par ailleurs des mesures de contrôle plus strictes ou, dans certains cas, une interdiction afin de juguler les violations futures.

« Cette synthèse montre que les forces de police et les représentants des autorités carcérales ont à leur disposition une gamme ahurissante d’armes et d’équipements qui, s’ils sont dits "à létalité réduite", peuvent causer de graves blessures voire la mort », a déclaré Marek Marczynski, directeur du programme Armée, sécurité et police d’Amnesty International.

« Dans des dizaines de pays du monde, nous avons recueilli des informations montrant que la police fait une utilisation incorrecte et abusive du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et d’équipements à impulsions électriques, entre autres dispositifs dangereux, afin de réprimer des manifestations et de contrôler des détenus. »

« Des normes plus claires sont requises de toute urgence pour la sélection, les tests, l’utilisation et l’évaluation de ce type de matériel de sorte à ce que son utilisation soit conforme au droit et aux normes internationaux relatifs aux droits humains. »

Amnesty International et Omega reconnaissent à quel point il est important de concevoir des armes, des équipements et des technologies moins que létaux pour réduire le risque de mort ou de blessure inhérent au recours par la police à des armes à feu et à d’autres armes existantes.

Lorsqu’elles sont utilisées de manière responsable par des agents de la force publique adéquatement formés et entièrement comptables de leurs actes, les armes moins que létales peuvent empêcher et limiter les décès et les blessures chez les agresseurs, suspects et détenus, tout en protégeant les policiers et gardiens de prison eux-mêmes.

Le recours aux équipements de ce type peut cependant avoir des conséquences néfastes voire mortelles s’il n’est pas conforme au droit et aux normes internationaux relatifs aux droits humains. Leur utilisation peut également avoir un effet particulièrement préjudiciable sur certaines personnes, notamment les personnes âgées, les mineurs, les femmes enceintes ou les individus dont la santé est déjà fragile.

Amnesty International a signalé que des responsables de l’application des lois se rendent coupables de nombreuses violations des droits humains en utilisant ce genre d’équipements - notamment d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements en détention ou encore d’un recours excessif, arbitraire et injustifié à la force contre des manifestants.

La synthèse couvre cinq catégories d’équipements :

• Les entraves : poucettes, menottes fixe, fers pour les pieds et chaises d’immobilisation ;
• Les armes à impact cinétique : matraques de police et autres armes de frappe, matraques à pointes et projectiles à impact cinétique, dont les balles en plastique, les balles en caoutchouc, les munitions-bâtons et les projectiles de type beanbag ;
• Les agents de lutte antiémeute : substances chimiques irritantes telles que le gaz lacrymogène et le gaz poivre, y compris celles diffusées par des vaporisateurs fixes ;
• Les dispositifs à impulsions électriques : les dispositifs tirant des projectiles incapacitants (marque Taser, par exemple), les matraques à impulsions électriques, les boucliers électriques et les équipements corporels comme les ceintures à impulsions électriques ;
• Les dispositifs acoustiques et autres technologies utilisées pour disperser les rassemblements : la technologie des ondes sonores qui émet un son dissuasif, ainsi que les canons à eau.

Dans les cas où un usage légitime existe pour ces articles, les organisations recommandent des mesures de contrôle pour éviter une mauvaise utilisation. Dans le cas d’une nouvelle technologie qui n’a pas encore été suffisamment testée, la suspension est recommandée en attendant que des experts indépendants effectuent des recherches plus poussées. Enfin, les organisations préconisent l’interdiction des équipements n’ayant pas d’objectif légitime qui ne puisse être atteint à l’aide d’autres solutions moins dangereuses.

« Certains des équipements que nous avons évalués sont dignes d’une salle de torture et doivent être interdits purement et simplement. Des articles comme les équipements corporels à impulsions électriques, les matraques à pointes et les poucettes n’ont pas leur place dans les opérations de maintien de l’ordre », a déclaré Marek Marczynski.

Les armes moins que létales et entraves se sont considérablement développées depuis l’adoption de certaines normes internationales en matière de droits humains relevant de l’application des lois. Par exemple, depuis l’adoption des Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu, en 1990, une vaste gamme d’armements et d’autres technologies toujours plus avancés ont commencé à être utilisés par des organes responsables de l’application des lois du monde entier.

« Malgré le rythme soutenu du développement de ces technologies, les principes universels en matière de droits continuent à s’appliquer. Les policiers ne doivent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions. Cela s’applique à l’utilisation de tous les équipements, qu’il s’agisse de matraques, de dispositifs tirant des projectiles incapacitants ou d’autres technologies. Les États ont le devoir de garantir que la police respecte pleinement ces principes à tout moment, quels que soient les équipements utilisés », a déclaré Marek Marczynski.

À l’exception des États-Unis et de l’Union européenne, soit le commerce des équipements de sécurité et de maintien de l’ordre n’est pas règlementé, soit il est soumis à des restrictions moins sévères que le commerce d’armes classiques. Amnesty International et Omega demandent des contrôles plus stricts, et notamment la mise en place d’un système de licences pour les transferts d’équipements de maintien de l’ordre, afin de prévenir les abus potentiels par l’utilisateur final.

Complément d’information

Le Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime est le plus large et plus éclectique rassemblement mondial de gouvernements, d’organisations de la société civile, d’intellectuels et de spécialistes de la justice pénale et de la prévention de la criminalité.

Il se réunit tous les cinq ans pour aider à élaborer le programme et les normes des Nations unies en termes de justice pénale et de prévention de la criminalité. Le Congrès de Doha se déroulant du 12 au 19 avril 2015 étudiera comment intégrer au mieux la prévention de la criminalité et la justice pénale au programme global des Nations unies.

Amnesty International sera représentée lors de ce rassemblement.

La Fondation de recherche Omega est une organisation britannique effectuant des travaux de recherche rigoureux, objectifs et fondés sur des éléments concrets dans le domaine de la fabrication, du commerce et de l’usage des technologies militaires, de sécurité et de police. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site Internet d’Omega, à l’adresse suivante : www.omegaresearchfoundation.org.

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