Communiqué de presse

Nigeria. Le gouvernement de l’État de Lagos doit enrayer une vague dévastatrice d’expulsions forcées

De nouveaux éléments de preuve provenant d’images satellite révèlent la véritable ampleur d’une expulsion forcée ayant eu lieu à Badia-Est, dans la ville de Lagos – l’une des deux mégapoles d’Afrique. Ces clichés, pris avant et après les démolitions effectuées par le gouvernement de l’État de Lagos le 23 février 2013, montrent clairement qu’une zone densément peuplée abritant des habitations en béton et d’autres structures a été complètement rasée.

On estime que près de 9 000 résidents de Badia-Est ont perdu leur domicile ou leurs moyens de subsistance. De hauts responsables du gouvernement de l’État de Lagos avaient cependant affirmé que cette zone était une décharge.

« L’expulsion forcée de février a eu des effets dévastateurs sur la population de Badia-Est, où des dizaines de personnes continuent à dormir dehors ou sous un pont non loin de là, exposées à la pluie, aux piqûres de moustiques et aux agressions physiques », a déploré Oluwatosin Popoola, spécialiste du Nigeria à Amnesty International.

Un nouveau rapport publié par Amnesty International et le Centre d’action pour les droits économiques et sociaux (SERAC) examine l’impact des démolitions et fait état des défaillances du gouvernement de l’État de Lagos.

Les deux organisations demandent une suspension immédiate des expulsions de masse dans l’État de Lagos, jusqu’à ce que des garanties permettant de protéger la population contre les expulsions forcées soient en place.

Ce rapport met en relief l’impact dévastateur des expulsions forcées sur la vie des résidents. De nombreuses femmes dont les petits commerces ont été détruits le 23 février ont expliqué à quel point elles sont désormais dépendantes de leur famille et de leurs amis pour les produits de première nécessité. Certaines ont dit avoir contracté le paludisme ou la fièvre typhoïde depuis qu’elles vivent dehors, mais le coût des médicaments et des soins est désormais trop élevé pour elles.

« Le gouvernement doit immédiatement fournir des recours utiles pour les violations qu’il a commises et proposer à toutes les personnes concernées des solutions de relogement et une indemnisation », a indiqué Felix Morka, directeur exécutif du SERAC.

Le gouvernement a précisé que l’expulsion du 23 février était la première phase de son projet visant à faire place nette à Badia-Est afin de « réaménager » la zone. Si tout se passe comme il l’a prévu, des dizaines de milliers de personnes risquent d’être expulsées de force et de se retrouver sans ressources.

Bimbo Omowole Osobe est une résidente de Badia-Est dont le domicile et les échoppes ont été démolis. Elle vit désormais sous une moustiquaire et a été obligée d’envoyer ses enfants vivre chez des parents. Ils ont dû arrêter l’école car Bimbo n’a plus les moyens de payer leurs frais de scolarité.

Elle a dit à Amnesty International :

« Avoir un toit au-dessus de la tête, c’est primordial dans la vie, quand on a un logement on peut se débrouiller avec le reste ; mais sans logement, comment peut-on survivre ? »

Les résidents de Badia-Est disent n’avoir pas reçu d’avis d’expulsion – les pouvoirs publics ont pourtant procédé aux démolitions avec des bulldozers et des policiers armés. Les résidents n’ont pas eu le temps de récupérer leurs affaires avant le début des opérations.

Les autorités de l’État de Lagos ont donné plusieurs versions complètement contradictoires de cette expulsion.

Le procureur général de cet État a admis que des personnes avaient été expulsées lorsque la zone a été dégagée, tandis que le Commissaire au logement a déclaré à Amnesty International lors d’une réunion que la zone déblayée lors des démolitions n’abritait aucun logement et n’était qu’une décharge.

Amnesty International a commandé des images satellite qui montrent clairement que cela est faux. Des structures à haute densité sont visibles sur un cliché pris avant les démolitions, le 8 février 2013, tandis que l’on peut voir que ces structures ont été complètement rasées sur une image datant du 8 avril 2013.

Selon un sondage effectué par des membres de cette communauté avec le soutien du SERAC, il est estimé que 266 structures servant de logements et de commerces ont été complètement détruits, ce qui touche environ 2 237 foyers.

« Le gouvernement de l’État de Lagos n’a pas respecté le droit national et international. Il est grand temps que les autorités de cet État et le gouvernement nigérian suspendent les expulsions forcées et qu’elles mettent en place des garanties juridiques s’appliquant à toutes les expulsions », a ajouté Oluwatosin Popoola.

Cette situation – et les problèmes qu’elle soulève – est malheureusement représentative de la politique plus large menée par le gouvernement de l’État de Lagos en ce qui concerne les expulsions forcées. Dans de nombreux cas d’expulsions forcées recensés par le SERAC et Amnesty International, les autorités n’ont pas consulté les personnes concernées afin qu’elles puissent étudier les solutions permettant d’éviter une expulsion, et ne leur ont pas donné de délai de préavis suffisant, ni fourni de recours juridiques ou proposé de solutions de relogement.

Le gouvernement nigérian doit imposer un moratoire sur les expulsions de masse le temps d’adopter des lois permettant de protéger les citoyens des expulsions forcées, qui sont interdites par le droit international.

Pour en savoir plus :

 Téléchargez ici le rapport d’Amnesty International (en anglais) "If you love your life, move out ! Nigeria : Forced Eviction in Badia East, Lagos State"

 Téléchargez ici l’exposition photos d’Amnesty International (légendes en français) "Le logement, c’est un droit humain. Halte aux expulsions forcées au Nigeria"

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit