Les autorités haïtiennes poussent à la rue des victimes du séisme

En Haïti, les centaines de milliers de personnes vivant encore dans des camps de fortune deux ans après le tremblement de terre qui a dévasté ce pays de la Caraïbe sont toujours à la merci d’expulsions forcées et d’autres violations des droits humains.

Au cours des dernières semaines, les autorités haïtiennes ont expulsé de force des habitants des camps installés dans des lieux publics de Port-au-Prince et sa périphérie, jetant de fait à la rue une deuxième fois des victimes du séisme du 12 janvier 2010.

Deux ans après le tremblement de terre qui a fait 230 000 morts et 300 000 blessés, on estime à un demi-million le nombre de personnes qui vivent toujours dans les centaines de villages de tentes installés dans Port-au-Prince et autour.

« Le séisme qui a ravagé par surprise Haïti il y a deux ans a traumatisé la nation. Mais le traumatisme des expulsions forcées bafouant les droits fondamentaux auquel sont maintenant soumises les victimes peut, lui, être évité », a déclaré Javier Zúñiga conseiller spécial auprès d’Amnesty International.

Près de 1 000 personnes qui vivaient dans un camp Place Jérémie à Port-au-Prince ont ainsi été jetées à la rue dans la nuit du 20 au 21 décembre 2011.

Selon des témoins, une dizaine d’individus brandissant des couteaux, des machettes et des bâtons ont fait irruption dans le camp à 4 heures du matin pour détruire les tentes. Dans ce camp vivaient 945 personnes - 79 familles incluant des femmes enceintes, des personnes âgées et 225 enfants.

Une femme qui vivait Place Jérémie a décrit l’expulsion en ces mots : « je dormais avec mon bébé âgé de 15 jours. Ils ont détruit la tente sans me prévenir. Je n’ai rien eu le temps de prendre. J’ai juste pu sauver mon bébé. Tous ses vêtements ont été perdus. J’ai passé la nuit [dehors] et je n’ai rien pour le couvrir. »

Quelques heures auparavant, deux hommes appartenant à l’Association des Jeunes progressistes du Bas-Peu-de-Choses avaient parcouru le camp de tente en tente pour procéder à un « recensement » improvisé de ses habitants.

Les personnes chassées ont reçu par la suite une enveloppe contenant entre 1 000 et 10 000 gourdes (l’équivalent de 25 à 250 dollars américains).

Trois véhicules policiers ont été vus non loin de là mais la police n’est pas intervenue pour mettre fin à l’assaut sur le camp. Des agents en civil ont été accusés d’avoir pris part à l’expulsion forcée.

Un porte-parole a répondu à des ONG locales qui questionnaient la municipalité de Port-au-Prince sur l’assaut que celle-ci n’était pas responsable de l’expulsion forcée ni du relogement des familles à la rue. Constatant que personne n’endossait la responsabilité des événements de la Place Jérémie, un groupe d’ONG haïtiennes a décidé de s’adresser directement aux autorités du pays.

De plus en plus souvent, des Haïtiens déplacés décrivent comment certains sont soudoyés ou menacés par des agents des forces de sécurité en civil ou des groupes armés qui veulent les pousser à quitter les camps dans lesquels ils vivent depuis le séisme de janvier 2010.

Les expulsions forcées ont lieu le plus souvent sans que les personnes vivant dans les camps ne soient prévenues ou consultées. Il est souvent fait usage d’une force excessive, parfois au vu et au su de la police haïtienne ou avec sa participation.

Amnesty International a incité à maintes reprises les autorités haïtiennes à respecter la législation nationale et les normes internationales pour le relogement des victimes du tremblement de terre vivant dans des camps.

L’organisation a également demandé plusieurs fois aux Nations unies et à la communauté internationale de renforcer leur soutien au gouvernement haïtien pour qu’il puisse offrir aux personnes déplacées des solutions de relogement adaptées, et de veiller à ce que les expulsions forcées ne soient pas tolérées.

« Le respect des droits fondamentaux doit être au cœur du plan de reconstruction des autorités haïtiennes : les expulsions des camps doivent s’opérer dans la légalité et les familles déplacées doivent se voir offrir un logement de remplacement décent », a déclaré Javier Zúñiga.

Un an après le séisme, Amnesty International avait publié un rapport montrant que les femmes et les jeunes filles vivaient dans la crainte des viols et des agressions sexuelles perpétrés par des hommes armés s’immisçant dans les camps pendant la nuit.

Rien ou presque n’a été fait pour remédier à cette situation, et les femmes et les jeunes filles sont toujours confrontées à cette violence révoltante.

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