Communiqué de presse

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe tombe dans le piège de la rhétorique anti-migrants

Amnesty International a exprimé sa profonde préoccupation au sujet d’une résolution et d’une recommandation adoptées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Ces deux textes, votés à une large majorité le 24 juin 2014, sont susceptibles de donner lieu à des atteintes aux droits et à la vie des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile. Selon Amnesty International, l’APCE semble adhérer aux discours et aux politiques antimigration qui dominent actuellement la sphère publique et politique, au lieu de rester fidèle à ses valeurs et à sa mission de protection de la vie et des droits.

Le rapport de l’APCE à l’origine des textes adoptés, établi par le député britannique Christopher Chope, portait sur « l’arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes » et présentait plusieurs mesures incompatibles avec l’obligation de protéger les droits des demandeurs d’asile et des migrants, telles que l’utilisation de registres d’ADN à des fins d’identification et le traitement externe des demandes d’asile à partir de camps situés hors d’Europe. Le rapport se fait l’écho d’une tendance alarmante des pays européens consistant à déléguer le contrôle des migrations à des pays tiers et, par conséquent, à se décharger de leur responsabilité sur les pays voisins.

En particulier, Amnesty International est gravement préoccupée par une disposition de la résolution appelant à constituer des registres d’ADN dans le but de faciliter l’identification des migrants et des demandeurs d’asile. L’identification des migrants et des demandeurs d’asile au moyen de tests ADN en complément des empreintes digitales apparaît comme une mesure disproportionnée et discriminatoire, notamment au regard de leur droit à la vie privée. En accentuant la criminalisation des migrants et des demandeurs d’asile, cette proposition crée un précédent néfaste.

La résolution propose également que les États membres du Conseil de l’Europe installent des camps dans les pays d’Afrique du Nord afin que le traitement des demandes d’asile se fasse hors d’Europe. Cette proposition est contestable d’un point de vue juridique et pratique. Les demandes d’asile doivent être traitées dans un environnement sûr offrant des garanties procédurales adéquates, conformément au droit international relatif aux réfugiés et aux droits humains. Des études menées par Amnesty International ont révélé que dans certains pays d’Afrique du Nord, dont l’Égypte ou la Libye, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile sont exposés à des pratiques bien établies d’atteintes aux droits humains. En outre, il est peu probable que de tels centres puissent fonctionner sans recourir à la détention, ce qui constituerait une violation de la Convention relative au statut des réfugiés et des normes applicables en matière de droits humains.

La recommandation adoptée appelle à ouvrir des négociations pour garantir que les migrants interceptés dans les eaux territoriales d’un pays non membre de l’Union européenne (UE) puissent être renvoyés automatiquement vers ce pays, et à réviser les conditions de retour vers les pays d’embarquement de ceux qui sont interceptés dans les eaux internationales. Les accords internationaux autorisant les pays européens à procéder à des interceptions dans les eaux territoriales de pays hors UE ne sauraient primer sur le droit international des droits humains, dont les dispositions sont contraignantes pour les pays exerçant une autorité en droit ou de fait sur les personnes interceptées. Tout dispositif automatique d’expulsion vers un pays hors UE constituerait une violation de l’obligation d’évaluer la situation personnelle des personnes (telle qu’établie par l’arrêt Hirsi) et, notamment, d’identifier tout risque de refoulement. En outre, les États ont l’obligation de garantir l’accès des personnes interceptées à des procédures individualisées et de ne pas recourir au refoulement, y compris en cas d’accords bilatéraux de réadmission ou de contrôle des migrations.

Amnesty International exhorte le Conseil de l’Europe à respecter ses principes fondateurs et à garantir collectivement que les politiques des États membres en matière de migration et d’asile se fondent sur le respect des droits humains :

• en renforçant les opérations de recherche et de sauvetage, spécifiquement en mer Méditerranée et en mer Égée, par un effort conjoint de tous les États européens ;

• en garantissant que les personnes qui fuient des conflits ou des persécutions aient accès à une protection internationale aux frontières européennes et puissent emprunter des itinéraires sûrs et légaux pour arriver en Europe, de sorte qu’ils ne soient pas contraints d’entreprendre des périples périlleux ;

• en s’abstenant d’établir avec des pays tiers des liens de coopération qui entraînent des violations des droits humains ou y contribuent.

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