Communiqué de presse

L’application de la peine de mort pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et ses répercussions sur la réalisation des droits humains

Amnesty International se félicite de la table ronde organisée au sujet des répercussions du « problème mondial de la drogue » sur la jouissance des droits humains, dans le cadre de cette session du Conseil des droits de l’homme. Elle attire l’attention du Conseil sur le caractère très fréquent du recours à la peine de mort pour les infractions à la législation sur les stupéfiants.

Shahrul Izani bin Suparaman avait 19 ans lorsqu’il a été arrêté en possession de 622 grammes de cannabis en Malaisie, en septembre 2003. En raison de la quantité, il a été automatiquement soupçonné de se livrer au trafic de drogue, un crime obligatoirement puni de la peine capitale en Malaisie. Il a déposé un recours en grâce auprès des autorités.

Shahrul Izani est l’un des nombreux cas recensés par Amnesty International de jeunes gens condamnés à payer de leur vie la possession de drogues. La Malaisie n’est pas le seul pays à appliquer la peine de mort pour des crimes liés à la drogue.

En effet, les infractions liées à la législation sur les stupéfiants, qui englobent différentes charges allant du trafic à la possession de drogue, sont punies ou passibles de la peine capitale en Arabie saoudite, à Bahreïn, au Bangladesh, au Brunéi Darussalam, en Chine, à Cuba, en Égypte, aux Émirats arabes unis, aux États-Unis, au Guyana, en Inde, en Indonésie, en Iran, en Irak, en Jordanie, au Koweït, au Laos, en Libye, en Malaisie, au Myanmar, à Oman, au Pakistan, au Qatar, à Singapour, en République de Corée, en République démocratique populaire de Corée, en République Démocratique du Congo, au Soudan, au Soudan du Sud, au Sri Lanka, en Syrie, en Thaïlande, au Viêt-Nam et au Yémen.

Bien que la peine de mort obligatoire, même pour les crimes les plus graves, soit contraire au droit international, les infractions à la législation sur les stupéfiants sont automatiquement punies de la peine capitale dans plusieurs pays, notamment en Iran, en Malaisie et à Singapour.

Dans au moins trois pays – Brunéi Darussalam, la Malaisie et Singapour – les suspects en possession de quantités précises de certaines drogues, ou simplement en possession de clés ouvrant l’accès à un bâtiment ou un véhicule contenant de telles drogues, sont présumés coupables de trafic de stupéfiants. Dans ces circonstances, la charge de la preuve revient à l’accusé, en violation du droit à la présomption d’innocence et du droit à un procès équitable.

Les Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort stipulent que « [d]ans les pays qui n’ont pas aboli la peine de mort, elle ne peut être imposée que pour les crimes les plus graves, étant entendu qu’il s’agira au moins de crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou d’autres conséquences extrêmement graves ».

Cependant, les infractions liées aux stupéfiants ne font pas partie des « crimes les plus graves » pour lesquels la peine capitale peut être imposée aux termes de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et d’autres traités régionaux et internationaux.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a conclu, en de multiples occasions, que les infractions liées à la législation sur les stupéfiants n’entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves », conclusion réitérée par le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Ainsi, dans son rapport de 2012, Christof Heyns, rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, écrivait : « Le droit national doit stipuler que les peines capitales ne doivent jamais être automatiques et ne peuvent être prononcées que pour des crimes impliquant l’homicide volontaire. La peine de mort ne doit pas être prononcée pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, à moins qu’elles ne remplissent ce critère. »

Malgré les déclarations fermes et répétées des mécanismes de l’ONU, de nombreux pays continuent de recourir à la peine de mort pour de telles infractions. En 2014, Amnesty International a recensé des condamnations à mort ou des exécutions pour de telles infractions dans au moins 10 pays : l’Arabie saoudite, la Chine, les Émirats arabes unis, l’Indonésie, l’Iran, la Malaisie, Singapour, le Sri Lanka, la Thaïlande et le Viêt-Nam.

En 2015, des exécutions pour de tels crimes ont eu lieu en Chine, en Iran (241, de sources officielles et non officielles, au 28 avril 2015), en Indonésie (14, au 28 août 2015) et en Arabie Saoudite (58 au 28 août 2015).

Selon les informations reçues par Amnesty International, en 2015, des condamnations à mort ont encore été prononcées pour des crimes liés à la drogue en Arabie saoudite, en Chine, aux Émirats arabes unis, en Indonésie, en Iran, au Koweït, en Malaisie, au Sri Lanka et au Viêt-Nam.

Dans les affaires où l’accusé est passible de la peine capitale pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, Amnesty International a recensé des violations persistantes du droit à un procès équitable et du droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, elle a pointé du doigt le fait que le nombre d’étrangers et de personnes issues de milieux défavorisés parmi les condamnés à mort est disproportionné, y compris pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.

Recommandations

Dans l’attente de l’abolition totale de la peine de mort, Amnesty International exhorte le Conseil des droits de l’homme, ses États membres et observateurs, à inciter tous les pays qui maintiennent ce châtiment à :

• instaurer un moratoire officiel sur les exécutions en vue d’abolir la peine capitale pour tous les crimes, dans le droit fil des cinq résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies, notamment la dernière résolution 69/186 du 18 décembre 2014 ;

• commuer sans délai toutes les condamnations à mort ;

• supprimer immédiatement du droit national toutes les dispositions enfreignant le droit international relatif aux droits humains, en particulier par l’adoption des mesures suivantes :

• abolir toutes les dispositions prévoyant la condamnation obligatoire à la peine de mort ;

• restreindre l’application de la peine de mort à l’homicide volontaire ;

• veiller à ce que les normes internationales en matière d’équité soient rigoureusement respectées dans toutes les affaires où les accusés sont passibles de la peine de mort ;

• veiller à ce que les étrangers arrêtés, détenus ou incarcérés bénéficient de services d’interprétation et d’un accès adéquat aux services consulaires.

Amnesty International engage également le Conseil des droits de l’homme à collaborer avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’Office contre la drogue et le crime, et les autres organismes de l’ONU impliqués dans la lutte contre la drogue, ainsi qu’avec les États membres, afin de veiller à ce que les programmes et les politiques soient mis en œuvre conformément au droit international et aux normes applicables en matière de recours à la peine de mort, et ne contribuent pas au recours à ce châtiment dans les cas d’infractions à la législation sur les stupéfiants.

Amnesty International demande aux États et à toutes les parties concernées de veiller à ce que le document final de la prochaine Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies sur les drogues, prévue en 2016, et des débats connexes, place le respect et la protection des droits humains au cœur des politiques de lutte contre la drogue.

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