Communiqué de presse

Émirats arabes unis. Il faut libérer trois sœurs maintenues en détention secrète depuis trois mois à cause de tweets

Les autorités des Émirats arabes unis soumettent trois sœurs à une disparition forcée depuis trois mois dans le cadre d’une répression éhontée, a déclaré Amnesty International, qui réclame une nouvelle fois leur libération immédiate et inconditionnelle.

Des agents des services de sécurité ont convoqué pour interrogatoire les trois femmes au poste de police d’Abou Dhabi le 15 février. Depuis, Asma Khalifa al Suwaidi, Mariam Khalifa al Suwaidi et Alyaziyah Khalifa al Suwaidi, sont en détention secrète, sans aucun contact avec le monde extérieur. Elles faisaient campagne sans violence sur Twitter en faveur de leur frère, un prisonnier d’opinion incarcéré à la suite d’un procès collectif inique de 94 militants en 2013.

« La disparition forcée de ces trois femmes est un crime de droit international et un acte très cruel. Elles risquent de subir des actes de torture et des mauvais traitements, notamment des violences sexuelles. Il faut les libérer immédiatement et sans condition », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« En soumettant ces trois sœurs à une disparition forcée parce qu’elles ont fait campagne sur Internet en faveur de leur frère incarcéré, les autorités émiriennes font preuve d’un grand mépris envers la liberté de parole et les militants qui se mobilisent pacifiquement pour leurs droits et ceux de leurs proches. Toute personne qui ose critiquer les atteintes aux droits humains imputables au gouvernement risque d’être arrêtée, torturée, poursuivie dans le cadre d’un procès inique, interdite de tout déplacement et harcelée. »

Amnesty International estime que les trois sœurs sont des prisonnières d’opinion, détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, et qu’elles doivent être libérées sans délai ni condition, tout comme leur frère et tous les prisonniers d’opinion.

Le lendemain de leur interpellation, leur mère a reçu un bref appel téléphonique d’un interlocuteur qui s’est présenté comme un agent de l’« organe de sécurité ». Il lui a déclaré que ses filles allaient « bien », mais n’a donné aucune information sur le lieu de leur détention ni les motifs de leur arrestation.

« Il est inacceptable que les autorités maintiennent ces femmes en détention depuis trois mois dans un lieu tenu secret, sans reconnaître officiellement leur détention, et sans leur donner la possibilité d’entrer en contact avec leur famille ni de consulter un avocat. Un tel traitement vise à punir ces femmes et leur famille, et à faire savoir clairement que les Émirats arabes unis ne tolèrent pas la dissidence et que celui qui ose s’exprimer, ainsi que ses proches, courent des risques », a déclaré Said Boumedouha.

Les prisonniers détenus dans des conditions s’apparentant à une disparition forcée sont extrêmement vulnérables et sont susceptibles de passer aux « aveux » sous la contrainte, « aveux » qui sont ensuite retenus contre eux à titre de preuve devant les tribunaux.

Le blog tenu par Alyaziyah Khalifa al Suwaidi a été supprimé environ 10 jours après son arrestation. Amnesty International craint qu’elle n’ait donné son mot de passe sous la contrainte.

Le traitement réservé à ces trois sœurs contraste fortement avec l’image progressiste que les autorités cherchent à donner à l’étranger au sujet des droits des femmes.

Au mois d’avril, le représentant permanent de l’ONU aux Émirats arabes unis a déclaré fièrement que les autorités « défendent l’autonomisation des femmes à tous les niveaux de la société [émirienne] ».

« Il est difficile de voir en quoi le fait de soustraire ces trois sœurs aux feux de l’actualité pour les enfermer dans une prison secrète renforce leur pouvoir d’agir et celui des femmes qui réclament un meilleur respect de leurs droits et libertés », a déclaré Said Boumedouha.

Mariam Khalifa al Suwaidi est diplômée d’universités aux Émirats arabes unis et au Royaume-Uni, et a remporté un prix d’enseignement. Titulaire d’un doctorat obtenu au Royaume-Uni, Alyaziyah Khalifa al Suwaidi se passionnait, jusqu’à son arrestation, pour la photographie, la peinture et son blog. Diplômée en sociologie, Asma Khalifa al Suwaidi a pendant un certain temps supervisé des projets en tant que responsable des médias sociaux pour le Bureau émirien des affaires des femmes.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Ces trois femmes menaient campagne pacifiquement sur Internet en faveur de leur frère Issa al Suwaidi. Celui-ci fait partie des 69 personnes condamnées, dont huit par contumace, à l’issue du procès des « 94 Émiriens », un procès collectif inique au cours duquel ont été jugés 94 détracteurs du gouvernement et partisans de la réforme en 2013. Ils étaient accusés d’avoir mis sur pied une organisation visant à renverser le gouvernement, charge qu’ils ont tous réfutée. Parmi eux figurent des avocats, des juges, des intellectuels et des responsables étudiants. En novembre 2013, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a condamné ce procès, déclarant que l’arrestation et la détention de ces personnes résultaient du fait qu’elles avaient usé de leur droit à la liberté d’opinion et d’expression et à la liberté de réunion et d’association pacifiques.

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