Brésil. La violence à Rio de Janeiro : un défi pour l’avenir

DECLARATION PUBLIQUE

ÉFAI-
3 novembre 2009

Amnesty International s’inquiète vivement de ce que des centaines de milliers de citoyens parmi les plus pauvres de Rio de Janeiro semblent condamnés à vivre indéfiniment dans la peur, en proie à la violence criminelle et aux abus policiers.

Les informations faisant état de nouveaux affrontements entre bandes rivales de trafiquants de drogue à la favéla (bidonville) de Vila Kennedy, dans la zone ouest de Rio de Janeiro, indiquent que la flambée de violence qui a éclaté dans la ville il y a deux semaines n’est pas encore maîtrisée.

Les violentes luttes de territoire entre les gangs et les opérations policières de type militaire dont Rio de Janeiro a été le théâtre ces derniers mois renforcent les doutes sur la capacité de quelques projets gouvernementaux à garantir que des millions d’habitants des favélas pourront vivre chez eux en toute sécurité.

Les querelles de territoire entre les bandes sont à l’origine des violences, qui ont fait suite à une tentative d’invasion de Morro do Macaco le 17 octobre. Les bandes de trafiquants ont mis en péril la vie de milliers de personnes, expulsé de force des familles des favélas voisines et contraint d’autres habitants, qui craignaient d’être tués, à partir de chez eux. Des milliers d’enfants n’ont pas pu aller à l’école, tandis qu’employés et commerçants ne pouvaient se rendre à leur travail.

Au cours de cette invasion, les trafiquants auraient abattu un hélicoptère de la police, tuant trois agents. Amnesty International condamne les agissements des bandes de trafiquants, et notamment le meurtre de ces trois policiers. Ces attaques contre la police battent en brèche non seulement les droits de chaque policier, mais aussi les droits de tous ceux que la police est censée protéger.

La semaine dernière, Amnesty International a reçu de nombreuses lettres de policiers exprimant leur préoccupation face à la situation et sollicitant un soutien. Ces lettres attestent de ce que l’État n’a pas réussi à garantir les droits et les conditions des policiers travaillant dans des situations extrêmes, ce qui compromet leur mission de protection des communautés les plus vulnérables.

La réponse de l’État à ces violences n’a fait qu’accroître l’insécurité dans nombre de ces communautés. Amnesty International dénonce depuis longtemps le fait que l’État continue de privilégier des incursions de type militaire, faisant appel à un usage excessif et incontrôlé de la force. Ces opérations mettent en danger la vie d’innocents et frappent de discrimination des communautés entières, sans assurer la sécurité que les citoyens sont en droit d’attendre de ceux qui sont mandatés pour protéger leurs droits fondamentaux.

Plusieurs passants ont été pris au piège de ces violences, notamment :

• Une mère de vingt-quatre ans, Ana Cristina Costa do Nascimento, abattue alors qu’elle tentait de protéger sa fillette de onze mois. Elle passait près d‘un arrêt de bus devant la favéla Kelson. Le bébé, touché au bras par la balle qui a tué sa mère, est toujours hospitalisé dans un état grave. Les membres de la famille accusent la police, qui effectuait une opération dans le secteur.

• Un jeune homme de quinze ans a été abattu d’une balle dans la tête alors qu’il sortait les poubelles dans la favéla Mandela III. Selon des habitants, il a été tué par une balle de la police qui menait une opération dans cette zone. La police a vigoureusement nié toute implication.

• Un lycéen de dix-huit ans, Guimarães da Costa, vêtu de l’uniforme de l’école et se tenant devant son lycée, a reçu une balle dans le dos à Vila Cruzeiro, lors d’une opération policière.
La semaine dernière, sept personnes ont été tuées par des balles perdues. Tous ces homicides doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et indépendante.

Amnesty International reconnaît que les autorités fédérales et d’État ont commencé ces dernières années à comprendre la nécessité de revoir leur approche face aux niveaux excessifs de criminalité armée dans les centres urbains, en mettant sur pied de modestes projets fondés sur un maintien de l’ordre non violent.

Toutefois, les droits humains et la sécurité ne sauraient se résumer à quelques projets. Il est temps que toutes les autorités, au niveau fédéral, étatique et municipal, se mettent à l’œuvre afin de placer tous les citoyens de Rio de Janeiro sous la pleine et entière protection de l’État, où qu’ils habitent et quelle que soit la couleur de leur peau. On ne peut plus accepter que des ouvriers, des mères, des écoliers ou des retraités vivent sous le contrôle de criminels armés ou dans la peur de ces policiers pourtant chargés de leur protection. Rio de Janeiro et le Brésil doivent relever ce défi s’ils veulent se montrer à la hauteur de leur avenir.

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