COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Australie. Des demandeurs d’asile détenus dans des conditions cruelles et sous un régime de type carcéral sur l’île de Manus

Le gouvernement australien détient plus d’un millier de demandeurs d’asile dans des conditions honteuses dans un centre de traitement situé sur l’île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Un rapport paru mercredi 11 décembre 2013 montre que les demandeurs d’asile sont détenus sous un régime de type carcéral, dans des locaux surpeuplés sous une chaleur étouffante, et manquent d’eau et de soins médicaux. La plupart ont fui des situations effroyables et risqué leur vie pour atteindre l’Australie.

« Ce système caractérisé par des conditions inhumaines et des traitements humiliants vise délibérément à pousser les gens à repartir vers la situation désespérée qu’ils ont fuie. L’Australie est directement responsable de cette combinaison déplorable et illégale de détention arbitraire et de conditions inhumaines », a déclaré Claire Mallinson, directrice nationale d’Amnesty International Australie.

« Il faut mettre un terme à cette politique qui consiste à envoyer les demandeurs d’asile, dont beaucoup ont terriblement souffert dans leur pays d’origine, vers des centres situés à l’étranger. »

Le rapport d’Amnesty International, intitulé This Is Breaking People : Human Rights Violations at Australia’s Asylum Seeker Processing Centre on Manus Island, Papua New Guinea (voir document ci-dessous) s’appuie sur les résultats d’une mission de recherche menée sur l’île de Manus du 11 au 16 novembre 2013. Il décrit les conditions de vie effroyables dans ce centre de traitement, où seulement 55 demandeurs d’asile sur plus d’un millier ont pu entamer des démarches pour demander le statut de réfugiés.

« La politique australienne est cruellement ironique. L’Australie reconnaît à quel point la situation est dangereuse dans des pays comme la Syrie et le Myanmar. Elle sait que ces gens ont risqué leur vie pour y échapper, et pourtant elle les détient dans des conditions carcérales et les prive de leur droit de demander l’asile », a souligné Claire Mallinson.

Les demandeurs d’asile détenus sur l’île de Manus ont pour beaucoup fui des zones de conflit connues, comme l’Afghanistan, le Darfour, le Pakistan, la Somalie et la Syrie. D’autres ont fui des situations de discrimination extrême et d’apatridie, comme les Rohingyas du Myanmar et les Bidouns de la région du Golfe, et n’ont nulle part où retourner.

Certains ont indiqué que les conditions effroyables et humiliantes qui leur étaient imposées les avaient amenés à envisager le suicide.

Un Irakien de 43 ans a déclaré : « J’ai vécu dans des zones de guerre, au milieu des bombes et des explosions, mais je n’ai jamais connu des conditions comme celles-là, avec toute cette incertitude. J’aurais préféré mourir en mer pendant la traversée. »

Ces traitements inhumains poussent des réfugiés potentiels à choisir le retour dans leur pays d’origine. Ils bafouent les obligations de l’Australie aux termes du droit international en exposant des personnes au risque de retourner dans un pays où elles ont toutes les chances d’être persécutées, voire torturées.

Le centre régional de traitement de l’île de Manus est avant tout un centre australien installé sur le sol papouan-néo-guinéen. Les autorités australiennes sont étroitement impliquées dans tous les aspects du système d’arrestation, de transfert et de détention des demandeurs d’asile. Ce sont elles également qui emploient les gardiens, le personnel de service et de santé, et qui gèrent globalement le fonctionnement quotidien du centre.

Un quotidien fait de conditions inhumaines et de cruauté délibérée
Lors de la visite d’Amnesty International, le centre accueillait environ 1 100 demandeurs d’asile, tous de sexe masculin, répartis dans trois « camps », Delta, Foxtrot et Oscar. Chaque camp est entouré de clôtures métalliques de 2,50 mètres de haut et surveillé par des patrouilles de sécurité engagées par le gouvernement australien.

Les camps sont surpeuplés, ne permettent aucune intimité et n’offrent aucune ombre ni protection contre la chaleur tropicale étouffante, l’humidité et les fortes pluies. Les détenus passent plusieurs heures par jour à faire la queue en plein soleil pour obtenir leurs repas.

Les conditions dans le dortoir P du camp Foxtrot sont particulièrement préoccupantes et constituent une violation de la Convention des Nations unies contre la torture. Ce dortoir est un bâtiment au toit de tôle ondulée, sans fenêtres, avec seulement deux petits ventilateurs pour les 112 hommes qui y sont entassés.

« Il y règne en permanence une odeur envahissante, mélange de chaleur étouffante, de sueur et de moisissure. Les demandeurs d’asile ont raconté qu’ils avaient déjà trouvé des serpents dans la pièce, et qu’elle était inondée quand il pleuvait », a dénoncé Claire Mallinson.

Les hommes ont aussi raconté le manque d’eau potable dans le camp Oscar, où les détenus ne reçoivent qu’un dixième de la quantité d’eau nécessaire.

Des services de santé et de communication insuffisants

Le centre ne peut pas offrir les soins nécessaires aux hommes qui sont gravement malades ou handicapés, par exemple ceux qui souffrent d’asthme, de diabète, d’épilepsie, de gastro-entérite ou de nanisme.

Il ne peut pas répondre aux demandes croissantes de services de santé physique et mentale. Le personnel médical déplore l’absence de réponse des autorités australienne à des demandes élémentaires qui amélioreraient la santé et les conditions sanitaires dans le camp.

Violences verbales et physiques

Amnesty International a aussi recueilli des témoignages faisant état de traitements humiliants dès l’arrivée au centre de traitement régional. Les détenus sont principalement désignés par le numéro d’identification de leur bateau, et beaucoup signalent avoir subi des violences verbales et physiques de la part du personnel, notamment avoir été poussés et avoir reçu des coups de pied et de poing.

« C’est ainsi qu’on brise moralement les gens. Ces conditions de détention sont à l’origine de toute une série de problèmes de santé mentale – dépression, angoisses, insomnies, traumatismes, etc. – en particulier chez les hommes venant de zones de guerre », a expliqué un professionnel de la santé.

Absence de traitement des dossiers

La politique de traitement à l’étranger prive les gens de leur droit de demander l’asile à leur arrivée en Australie. De son côté, le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée n’a rendu aucune décision sur aucun dossier de réfugié depuis le début de cette politique.

Au centre régional de l’île de Manus, l’examen des situations est limité, voire inexistant. La lenteur des procédures semble délibérément destinée à dissuader les réfugiés potentiels et à faire pression sur les détenus pour qu’ils retournent dans le pays qu’ils ont fui.

« Compte tenu des sommes énormes déjà dépensées pour ce centre, il est totalement inacceptable que seule une poignée de dossiers aient tout juste commencé à être examinés sérieusement », a déclaré Claire Mallinson.

Les demandeurs d’asile ne reçoivent aucune information sur la procédure de traitement de leur dossier ni sur la durée de leur détention, et n’ont jamais eu la possibilité de consulter des avocats malgré leurs demandes répétées. Cette attente et cette incertitude entament sérieusement leur santé mentale.

Recommandations

La politique actuelle de traitement des situations des demandeurs d’asile à l’étranger est un échec retentissant sur tous les fronts.

Amnesty International appelle le gouvernement australien à revoir immédiatement l’accord régional de réinstallation qu’il a conclu avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée et à mettre un terme au traitement et à la détention des demandeurs d’asile à l’étranger. Tous les demandeurs d’asile détenus sur l’île de Manus doivent être transférés en Australie et avoir pleinement accès aux procédures de demande d’asile dans ce pays.

En attendant la fermeture du centre de détention de l’île de Manus et le transfert sur le sol australien de tous les demandeurs d’asile qui y sont détenus, les autorités australiennes doivent prendre des mesures immédiates pour améliorer les conditions de vie dans ce centre et les mettre en conformité avec les normes internationales. Elles doivent notamment mettre un terme aux violences, cesser d’utiliser le dortoir P comme logement, offrir des services médicaux appropriés et veiller à ce que les demandeurs d’asile ne subissent pas de pressions les incitant à retourner dans un pays où ils risquent d’être persécutés ou maltraités.

Les gouvernements australien et papouan-néo-guinéen doivent de toute urgence mettre en place un système équitable et efficace de traitement des dossiers et travailler avec d’autres gouvernements à la mise au point d’une véritable solution régionale qui protège les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, conformément au droit international relatif aux droits humains et aux réfugiés.

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