Communiqué de presse

Au vu de l’arrêt de la Cour européenne contre la Hongrie, les États doivent mettre fin à la ségrégation des Roms à l’école

Les gouvernements européens doivent mettre fin à la ségrégation et à la discrimination dont sont victimes les enfants roms à l’école, a déclaré Amnesty International mercredi 30 janvier après que deux Roms ont obtenu gain de cause auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) dans une action intentée contre la Hongrie au sujet de leur éducation dans une école spéciale.

La Cour a jugé, mardi 29 janvier, que la Hongrie avait bafoué la Convention européenne des droits de l’homme en plaçant des élèves roms dans une école spéciale. Cet arrêt est venu clore une bataille juridique engagée en 2006. Les requérants étaient représentés par la Fondation Une chance pour les enfants, organisation hongroise, et le Centre européen des droits des Roms basé à Budapest.

« On pourrait croire que, en Europe en 2013, il est impensable que des enfants se voient dispenser un enseignement dans des écoles spéciales, simplement en raison de leur origine ethnique, a indiqué Fotis Filippou, coordonnateur régional de campagne d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale.

« En réalité, cette situation se produit bien trop souvent, comme vient de nouveau le prouver cette affaire. L’enseignement spécial est une voie de garage pour les enfants roms. Les gouvernements doivent se mobiliser et prendre note car, tant qu’un système éducatif parallèle fondé sur l’origine ethnique existe, les enfants roms sont privés des possibilités offertes aux autres enfants.

« Tous les enfants, y compris ceux d’origine rom, doivent pouvoir bénéficier d’un enseignement de qualité, dans des établissements scolaires ordinaires ouverts à tous, et de toute l’aide dont ils ont besoin. »

Dans l’affaire Horváth et Kiss c. Hongrie, la Cour a déclaré que les deux requérants avaient été placés à tort dans une école destinée aux élèves souffrant d’un « handicap mental ».

Elle a indiqué qu’ils avaient été « isolés des autres élèves, et de la population en général » et que le programme scolaire qu’ils avaient suivi avait « aggravé leurs difficultés et compromis leur épanouissement personnel au lieu de les aider à s’intégrer dans des classes ordinaires et à développer des compétences qui auraient facilité leur intégration au sein de la population majoritaire ».

La Cour a noté que les enfants roms ont été surreprésentés, par le passé, dans les écoles spéciales en raison du caractère systématique des diagnostics de handicap mental erronés, établis à partir de tests obsolètes et ne tenant pas compte des différences culturelles.

Elle a aussi souligné que la Hongrie était spécifiquement tenue de veiller à ne pas perpétuer des discriminations ou pratiques discriminatoires passées, dissimulées sous des tests soi-disant neutres, et de modifier ces pratiques.

La Cour a fait observer que le placement à tort d’enfants roms dans des écoles spéciales était une pratique de longue date en Europe et a partagé « l’inquiétude d’autres institutions du Conseil de l’Europe, qui se sont dites préoccupées par le programme plus rudimentaire enseigné dans ces écoles et par la ségrégation dont ce système était responsable ».

Plusieurs décisions rendues par différentes juridictions nationales et régionales d’Europe (notamment contre la Croatie, la Grèce, la République tchèque et la Slovaquie) montrent qu’il est nécessaire d’agir de toute urgence.

En décembre 2012, dans l’affaire Sampani et autres c. Grèce, la Cour avait statué que l’incapacité des autorités grecques à intégrer les enfants roms du quartier de Psari, à Aspropyrgos, dans le système scolaire ordinaire constituait une discrimination.

Il s’agissait du deuxième arrêt condamnant la Grèce pour avoir exercé une ségrégation entre les élèves roms et les autres élèves du cycle primaire à Aspropyrgos, le premier ayant été rendu en 2008 dans l’affaire Sampani et autres c. Grèce.

En République tchèque, l’arrêt rendu en 2007 dans l’affaire D.H. et autres c. République tchèque n’a toujours pas été véritablement mis en œuvre par le gouvernement, alors que cinq années se sont déjà écoulées.

Par conséquent, dans ce pays, les élèves roms risquent facilement d’être placés dans des écoles dites « pratiques » et des classes réservées aux enfants « souffrant d’un léger handicap mental », qui dispensent un enseignement de moindre qualité, tandis que des milliers d’autres enfants roms continuent d’étudier dans des écoles et classes ordinaires réservées aux Roms, victimes de fait d’une ségrégation.

« La ségrégation à l’école est le résultat de préjugés omniprésents et d’une discrimination bien ancrée. Cet apartheid dans le système éducatif a des conséquences désastreuses sur l’avenir des enfants roms. Il alimente aussi le cycle de racisme et d’intolérance à l’égard des Roms. Cette ségrégation a donc une incidence négative sur l’ensemble de la société », a expliqué Fotis Filippou.

« Nous lançons de nouveau un avertissement aux gouvernements européens : il n’y a plus de temps à perdre, il faut dès à présent cesser de condamner des milliers d’enfants roms à une vie marquée par la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion. »

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