Communiqué de presse

Accord gouvernemental : Promesses intéressantes et inquiétudes réelles

Si l’organisation s’inquiète du discours sécuritaire que sous-tend diverses mesures de la Déclaration gouvernementale, Amnesty International se félicite de constater que plusieurs de ses priorités ont été prises en considération par le nouveau gouvernement.

Celui-ci s’est notamment engagé à mettre en place un Institut National des Droits de l’Homme, à lutter contre les violences sexuelles et intrafamiliales, à établir un Plan d’action national « entreprises et droits humains » et à ce que la Belgique promeuve la défense des droits humains sur la scène internationale et dans ses relations bilatérales. Des pistes encourageantes sont par ailleurs avancées sur la question de l’internement, le statut juridique des détenus, sur l’identité de genre et la lutte contre la discrimination.

« Il est bien sûr difficile d’en évaluer la portée aujourd’hui, et nous resterons attentifs à ce qu’il ne s’agisse pas seulement d’un effet d’annonce, surtout au vu des restrictions budgétaires annoncées », explique Philippe Hensmans, Directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.
« Bon nombre de mesures n’auront une portée que si elles s’accompagnent à la fois d’un soutien financier et d’une réelle coopération transversale avec les gouvernements régionaux et communautaires. Ainsi, les difficultés que rencontre la justice ont considérablement limité les effets volontaristes de la politique de tolérance zéro à l’égard des violences conjugales », rappelle-t-il.

À l’heure où le viol constitue un fléau majeur en Belgique (13% des femmes interrogées lors d’un récent sondage de l’organisation affirment être ou avoir été violées sur les lieux de travail, par exemple), il est capital, selon Amnesty International, de mettre en place une politique qui allie la prévention à l’aide aux victimes et à la lutte contre l’impunité, bien au-delà des moyens mis en œuvre aujourd’hui.

Si Amnesty International se réjouit de voir ces préoccupations intégrées, l’organisation s’inquiète de voir la question de la protection des demandeurs d’asile détournée au profit d’un discours sécuritaire. Le gouvernement Michel prête en effet une attention particulière à la lutte contre le terrorisme et à la radicalisation. Or si cette mission est une tâche majeure du pouvoir fédéral, elle ne doit pas se faire au détriment des droits humains. Aussi, Amnesty International s’engage à veiller à ce que le nouveau gouvernement respecte les droits humains dans sa lutte contre le terrorisme et la radicalisation.

Les enjeux liés à l’asile et l’immigration sont au cœur des inquiétudes. Sous l’ancien gouvernement déjà, les politiques entreprises avaient conduit la Belgique à devenir le seul pays européen où le nombre de demandeurs d’asile avait diminué. En cause, le durcissement des conditions de regroupement familial et le filtre médical mis en place par la Ministre de l’époque.

Aujourd’hui, l’Europe doit faire face à un nombre de réfugiés sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Or le gouvernement belge semble, une fois de plus, se focaliser sur un contrôle des abus et un renforcement de la sécurité aux frontières plutôt que sur des mesures de protection à l’égard des demandeurs d’asile.

« Le gouvernement semble oublier que les demandeurs d’asile, lorsqu’ils arrivent à introduire leur demande sans se noyer en Méditerranée, viennent pour la plupart de pays en conflit — comme la Syrie ou l’Irak — ou qui violent lourdement les droits humains  », remarque encore Philippe Hensmans. « On se demande d’ailleurs, à la lecture de la Déclaration, quelle politique de coopération au développement avec ces pays permettrait de réduire le nombre de demandes d’asile qui en proviennent…  », ajoute le directeur de la section belge d’AI.

Il faut noter qu’un effort est entrepris quant à une révision de la loi sur l’immigration, de plus en plus difficile à déchiffrer à force de remaniements. Malgré tout, l’emphase reste sécuritaire, en atteste la déclaration d’un renforcement de Frontex (agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle des frontières extérieures). Par conséquent, la volonté de contrôler les frontières européennes et de lutter contre les abus entame ici les objectifs liés à la défense des droits humains. La volonté d’enfermer des mineurs dans des centres fermés irait à l’encontre du droit international, comme l’attestent plusieurs condamnations de la Belgique par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

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