Algérie

AMINE SIDHOUM ABDERRAMANE, militant en faveur des « disparus » d’Algérie, menacé.

Amine Sidhoum
Abderramane
est
un avocat algérien
et défenseur des
droits humains. Il
est membre de
l’ONG SOS Disparus
(http://www.disparus-
dz.org/
). Cette
association a été
créée par des
parents de personnes
enlevées et
« disparues » durant
la violente crise des droits humains que l’Algérie a traversée
entre 1992 et 1999. Il y a eu alors des milliers de disparitions,
entre 4.000 et 20.000, touchant des jeunes, des femmes, des
personnes de toutes les couches de la population, pour
décourager la constitution d’une opposition politique civile
forte et conserver le pouvoir dans une atmosphère de peur et
de silence. Beaucoup de ces personnes étaient suspectées
d’avoir des liens avec des mouvements d’opposition au gouvernement,
d’autres enlèvements ont été attribués à des mouvements
islamistes ou à du banditisme. Des familles qui
avaient perdu des proches ont réussi à briser le silence et se
sont organisées en associations pour exiger des enquêtes
impartiales sur les événements tragiques, et pour demander
le retour des enfants et adultes enlevés.

Me Amine Sidhoum Abderramane devait intervenir publiquement
en mai 2006 pour la Fédération internationale des
Droits de l’Homme, (la FIDH, regroupant les ligues des droits
de l’homme du monde entier) sur la situation des droits
humains sur le continent africain. A la veille de son intervention,
portant notamment sur les conséquences de l’adoption
de la Charte de réconciliation nationale en Algérie,
Me. Sidhoum a été menacé par un représentant de la
délégation algérienne, afin de le dissuader de s’exprimer.
Celui-ci a tenu à lui « rappeler » que s’il persistait à présenter
son intervention, il serait « passible de trois à cinq ans de prison
dès [son retour] en Algérie ». Du fait de ces menaces, M.
Sidhoum n’a pu intervenir oralement le 13 mai 2006.
Les menaces de ce représentant officiel se fondent sur
l’article 46 de l’ordonnance du 27 février 2006 (voir fiche
pédagogique). Les défenseurs des droits humains sont très
inquiets face à ce climat d’intimidation et de harcèlement
auquel ils sont confrontés, notamment lorsqu’il s’agit de
défendre les droits des familles de disparus. Par ailleurs, ces
menaces confirment le risque d’une utilisation abusive de
l’ordonnance de mise en vigueur de la Charte, en vue de criminaliser
tout débat public portant sur le conflit algérien.

Pour plus d’informations se référer à l’appel urgent de la
FIDH DZA 001 / 0506 / OBS 063, disponible sur : FIDH,
<http://www.fidh.org/article.php3?id...>


INFORMATIONS GENERALES

Deuxième plus grand pays d’Afrique après le Soudan,
l’Algérie est surtout couverte par le désert du Sahara.
Les montagnes de l’Atlas et des Hautes plaines séparent
le désert des terres cultivables sur la côte méditerranéenne.
45 % de la population a moins de 15 ans. Berceau de la culture
berbère et numide, l’Algérie a vu se succéder grecs,
romains, byzantins, arabes, turcs et français en trois millénaires
d’histoire. Parmi la population, plus de 33 millions de personnes,
on compte une majorité d’arabophones, mais aussi une
forte minorité berbérophone. Dans les cinq dernières années,
l’Algérie a connu des mouvements de révolte de la part de ses
populations berbérophone revendiquant leur culture propre.
Au XVIe siècle, l’Algérie devient une province de l’Empire
Ottoman, mais ce sont les émirs et corsaires locaux qui conservent
le pouvoir jusqu’à l’arrivée des Français au XIXe siècle. Afin
de restaurer le prestige de la monarchie, le roi de France,
Charles X, décide d’envoyer des troupes en Algérie et de prendre
Alger, sous le prétexte de se débarrasser la Méditerranée des corsaires
turcs. En
1830, l’Armée
française
débarque dans
le port de Sidi
Ferruch, non
loin d’Alger. La
ville tombe
quelque
semaine plus
tard. La
conquête du
reste du pays
est lente et difficile,
des personnalités
prennent la tête de coalition de tribus - comme
l’Emir Abdelkader, et résistent farouchement à l’avancée des
Français. Village après village, les soldats pillent et exterminent
ceux qui ne veulent pas se soumettre. Le pays n’est entièrement
conquis qu’en 1847. Sous la IIIe République, les enjeux
de la colonisation sont économiques et idéologiques. Ferry, le
ministre républicain, va jusqu’à déclarer que les races supérieures
ont le devoir d’apporter la civilisation aux races inférieures.

L’Algérie est une des rares colonies à avoir été envisagée
comme une colonie de peuplement par les autorités françaises,
qui encouragent les colons à s’installer. En 1926, on y
compte près de 800 000 Européens.
La décolonisation de l’Algérie fut tout aussi violente. Le 8
mai 1945, une révolte éclate à Sétif. La répression est d’une
extrême dure. Les estimations varient de 8 000 à 20 000
morts.
L’insurrection armée reprend en 1954 aux appels du
Front de Libération National (FLN). Des combats sont livrés entre les soldats français, les partisans du FLN et les membres de l’Organisation de l’Armée Secrète
(une milice de militants pour l’Algérie Française). La
torture, les déplacements de population, les mauvais
traitements et les viols sont systématiques dans chacun des
camps, et vont d’ailleurs faire l’objet de protestations au sein
d’une fraction de l’opinion française. L’Algérie accède à l’indépendance
en 1962, à la signature des Accords d’Evian. La guerre
d’Algérie, qui a fait plus d’un million de morts, a profondément
marqué les esprits, l’histoire des mouvements de décolonisation
et le nationalisme arabe.

Sous la présidence du militaire Houari Boumediene (mort en
1976), inspiré par le modèle de socialisme soviétique, et dans
une structure de parti unique et d’interdiction du pluralisme,
l’état algérien a construit ses structures de santé, d’éducation et
de production en bénéficiant de ses nombreuses ressources en
hydrocarbures et en pétrole. En l’absence de tout contrôle démocratique,
le pouvoir s’est enlisé dans la bureaucratie et la corruption.
Jusqu’en 1989, le FLN est resté au pouvoir, les autres partis
étant interdits. En 1988, des émeutes de jeunes ont été réprimées
dans le sang par l’armée. Suite à ce traumatisme, et dans
le contexte de la destruction du mur de Berlin à la même
époque, une démocratisation est entamée avec pluralisme politique,
liberté d’association et liberté de la presse, de 1989 à 1991.
Durant cette décennie 1985-90, et étant donné des difficultés
sociales , économiques et identitaires, le mouvement islamiste
intégriste s’est largement développé, notamment à travers le
Front Islamique du Salut (FIS), qui remporte une victoire écrasante
lors du premier tour des élections législatives en 1991. En
janvier 1992, l’armée intervient pour interrompre le processus
électoral. Le président en exercice depuis 1977, Chadli Ben Djedid,
également issu de l’armée, démissionne. et est remplacé par
une figure historique de la guerre d’indépendance, Mohamed
Boudiaf. Celui-ci se fait assassiner en juin 1992. Passé dans la
clandestinité, le Front islamique du salut et d’autres mouvements
islamistes entrent en résistance, et les luttes entre ces
mouvances et le noyau de militaires qui veut garder le pouvoir
depuis la période de la guerre d’indépendance ensanglantent
l’Algérie. C’est alors que commence la période de la stratégie des
disparitions, des embuscades, des massacres, des attentats à l’explosif,
et de la torture à grande échelle. Finalement le président
Zeroual démissionne, et en 1999, suite à un nouveau processus
électoral, un ancien compagnon de Boumediene, Bouteflika, est
président. Mais l’armée conserve le pouvoir derrière la structure
politique. Beaucoup d’observateurs se demandent dans quelle
mesure certains attentats attribués aux islamistes n’auraient pas
été manipulés par certaines instances militaires afin de justifier
l’implication de l’armée dans la direction du pays. Proclamé en
1992, l’état d’urgence n’a toujours pas été levé en août 2006.

DROITS HUMAINS

Le niveau de violence a diminué, mais plusieurs centaines de
personnes, dont des dizaines de civils, ont été tuées.
L’impunité reste l’obstacle principal au traitement des séquelles
du passé : des dizaines de milliers de cas d’homicide, d’enlèvement,
de « disparition » et de torture n’ont toujours fait l’objet
d’aucune enquête. Le recours à la torture persiste, notamment
contre des personnes soupçonnées d’« appartenance à un
groupe terroriste » (cf. Pouvoirs illimités : la pratique de la torture par la
Sécurité militaire en Algérie, rapport disponible sur :
<http://web.amnesty.org/library/inde...>).
En 2005, une douzaine de membres présumés de groupes
armés ont été condamnés à mort, dans la plupart des cas par
contumace. Le moratoire sur les exécutions est toujours en
vigueur. Des modifications législatives commençaient à améliorer
le statut juridique des femmes (transmission de leur
nationalité à leurs enfants, même âge légal pour le mariage que
les hommes), mais de nombreuses dispositions discriminatoires
restaient en l’état.
Pour plus d’informations, se référer au Rapport
2006 d’Amnesty International, disponible sur :
<http://web.amnesty.org/report2006/d...>

PISTES PÉDAGOGIQUES

 Étudier l’histoire de colonisation française de l’Algérie,
puis de la décolonisation.

Consulter les sites suivants :
 Institut National de l’Audiovisuel, dossier sur La Guerre d’Algérie
à la télévision française, disponible sur :
<http://www.ina.fr/voir_revoir/alger...>

 Soldats dans la Guerre d’Algérie, qui contient de nombreux
témoignages et photos, disponible sur :
<http://appelesenalgerie.free.fr>

 Le dossier L’Algérie de St. Augustin à l’indépendance du site internet
Hérodote, disponible sur : <http://www.herodote.net/Dossier/
H...
>

 Le dossier pédagogique « Algérie 1830-1962 : de la colonisation
à l’indépendance » :
<http://education.france5.fr/algerie...

Se référer aux ouvrages suivants :
 Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale, découverte, 1991.

 Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie, 1954- 1962, La
découverte, 1992

 Patrick Rotman, L’ennemi intime, Seuil, 1995

Projeter et étudier les ouvrages suivants :
Sur la Guerre d’Algérie
 Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger (1965)
 Pierre Schoendoerffer, L’honneur d’un capitaine (1982)
 Marc Robson, Les centurions (1986)
 Yves Boisset, R.A.S. (1973)
 Jean-Luc Godard, Le petit soldat (1963)
Sur l’immigration algérienne en France
 Christophe Ruggia, Le Gone du Chaâba (1997)

Bande-dessinée :
Jean-Pierre Vittori, Jacques Ferrandez, Midi pile, l’Algérie, Ed. La
Rue du monde, 2001.

- Introductions à l’anthropologie : étude des sociétés
touaregs.

Consulter le site internet « Touaregs, Culture et Histoire »,
disponible sur : <http://tuaregs.free.fr/touareg_f/ac...>

Se référer aux ouvrages suivants :
 Dominique Casajus, La tente dans la solitude : la société et les
morts chez les Touaregs Kel Ferwan, Ateliers d’anthropologie
sociale, 1987

 Paul Pandolfi, Les Touaregs de l’Ahaggar, Karthala, 1998
n Réaliser un débat autour de l’article 46 de l’ordonnance
du 27 février 2006, stipulant : « Est puni d’un emprisonnement
de trois ans à cinq ans et d’une amende de 250 000 à
500 000 DA, quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout
autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie
nationale, pour porter atteinte aux institutions de la république
algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État,
nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie,
ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. ».
Jusqu’où la liberté d’expression peut-elle être limité au
nom de la sauvegarde des intérêts de l’Etat ? Peut-on
aller jusqu’à entraver le travail de mémoire ?

Se référer aux articles suivants :
 Jean-Pierre Peyroulou, Amnistie en Algérie : quand le pouvoir
se reconduit dans l’impunité, Esprit, juin 2006.

 Déclaration commune de Amnesty International, Human
ights Watch, le Centre international pour la justice transitionnelle,
et la Fédération internationale des ligues des droits de
l’homme, Algérie : La nouvelle loi d’amnistie assure l’impunité aux
responsables des atrocités, disponible sur :
<http://hrw.org/french/docs/2006/03/...>

 Faire une recherche sur le phénomène des « disparitions
 » politiques et sur les mouvements de mères et de
proches qui recherchent la vérité
(Argentine, Chili, Turquie,...).

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