Afrique australe, Le Malawi, la Zambie et le Zimbabwe ne protègent pas les droits fondamentaux des femmes

Femmes participant au commerce transfrontalier

Les gouvernements du Malawi, de la Zambie et du Zimbabwe n’accordent aux femmes participant au commerce transfrontalier informel aucune protection contre les violences liées au genre et l’exploitation économique, ce qui empêche celles-ci d’exercer leurs droits fondamentaux dans le contexte d’un emploi décent, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public vendredi 8 mars.

Ce rapport, intitulé "Cross-border is our livelihood, it is our job" - Decent work as a human right for women cross border traders in southern Africa, explique que les femmes qui travaillent dans le secteur du commerce transfrontalier au Malawi, en Zambie et au Zimbabwe sont fréquemment victimes d’agressions physiques, de harcèlement sexuel et d’actes d’intimidation, souvent perpétrés par des représentants de l’État, notamment par la police des frontières. Certaines sont également victimes de violences commises par des acteurs non étatiques.

« Le fait que les femmes qui travaillent dans le secteur informel soient exposées à diverses formes d’abus, associé à un accès limité à la justice, met en évidence une lacune flagrante dans les mesures de protection de l’État. L’absence de cadres juridiques robustes et de mécanismes d’application efficaces ne fait qu’amplifier les injustices subies par les femmes dans le secteur du commerce transfrontalier informel », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.

En 2018, la valeur du commerce transfrontalier informel dans la région de l’Afrique australe a atteint 17,6 milliards de dollars états-uniens. Le commerce transfrontalier informel est une activité principalement exercée par des femmes, celles-ci représentant entre 60 % et 90 % des personnes engagées dans ce commerce à travers les sous-régions. Ce secteur présente un important potentiel de réduction de la pauvreté.

Exploitation économique et absence de sécurité sociale

Les recherches effectuées par Amnesty International ont révélé que les femmes engagées dans le commerce transfrontalier sont souvent victimes d’une exploitation économique de grande ampleur, qui nuit à leur capacité à gagner leur vie et à leur stabilité financière. Cette exploitation prend diverses formes, notamment la corruption, le vol et la confiscation arbitraire de marchandises. La vulnérabilité des femmes pratiquant le commerce transfrontalier informel face à l’exploitation économique est accrue par les discriminations fondée sur le genre aux frontières et par l’absence perçue de protections juridiques.

Le rapport met en évidence les défaillances systémiques des États en matière de respect du droit à la sécurité sociale, avec des manquements notables dans la prise en compte des responsabilités considérables des femmes engagées dans le commerce transfrontalier. En l’absence de couverture sociale, de nombreuses femmes ont fait état de leur incapacité à exercer leur droit à un niveau de vie adéquat. Elles ont par ailleurs été confrontées à des difficultés telles que l’impossibilité de prendre des congés en cas de maladie et le manque de soutien en matière de garde d’enfants.

Bien que les femmes constituent la majorité des commerçant·e·s transfrontaliers, les recherches d’Amnesty International ont révélé que les associations de commerçant·e·s transfrontaliers informels étaient majoritairement dirigées par des hommes

Les systèmes de sécurité sociale du Malawi, de la Zambie et du Zimbabwe favorisent les employé·e·s du secteur formel, laissant de nombreux travailleurs et travailleuses du secteur informel sans assistance adéquate. L’absence de mesures de protection sociale pour couvrir les situations telles que la maternité pour les travailleuses de l’économie informelle est une conséquence liée à leur genre. Les gouvernements doivent pallier ces lacunes, en accordant la priorité à la défense des droits des femmes engagées dans le commerce transfrontalier », a déclaré Tigere Chagutah.

Bien que les femmes constituent la majorité des commerçant·e·s transfrontaliers, les recherches d’Amnesty International ont révélé que les associations de commerçant·e·s transfrontaliers informels étaient majoritairement dirigées par des hommes, ce qui pose le problème de la représentation équitable dans les discussions sur les lignes de conduite et les processus de prise de décision.

Quand le commerce ne tient pas ses promesses

Le commerce transfrontalier informel en Afrique a joué un rôle dans la promotion de l’intégration régionale et la garantie de la sécurité alimentaire sur le continent. Les commerçantes interrogées par Amnesty International ont souligné que le commerce transfrontalier informel avait servi de catalyseur dans l’amélioration de la santé et de l’éducation de leurs familles.

Une commerçante a déclaré à Amnesty International : « Le commerce transfrontalier a été une lueur d’espoir pour moi et ma famille. Il m’a permis de financer l’éducation de mes enfants et même de les envoyer à l’université. »

Il faut toutefois noter que la décision de s’engager dans le secteur informel découle souvent du manque d’autres opportunités d’emploi viables. Si de nombreuses femmes considèrent le commerce transfrontalier informel comme un moyen de se sortir, ainsi que leur famille, de la pauvreté, cette activité s’accompagne souvent d’un coût personnel important.

Les victimes de violences fondées sur le genre rencontrées dans le cadre du commerce transfrontalier informel sont également confrontées à de nombreux obstacles socioculturels et institutionnels

Une commerçante a déclaré à Amnesty : « Les personnes qui nous fouillent à la frontière sont des hommes et ils vont jusqu’à inspecter notre sac à main sans raison. C’est une violation de notre vie privée, car nous gardons dans nos sacs des objets sensibles tels que des médicaments, et la fouille des sacs révèle notre état de santé, en particulier notre séropositivité. »

Les victimes de violences fondées sur le genre rencontrées dans le cadre du commerce transfrontalier informel sont également confrontées à de nombreux obstacles socioculturels et institutionnels, notamment la réprobation sociale, la corruption, la peur des représailles, l’accès limité aux services juridiques et les longues distances à parcourir pour se rendre dans les postes de police. Ces obstacles les empêchent d’obtenir justice auprès des autorités.

Les gouvernements du Malawi, de la Zambie et du Zimbabwe doivent remédier à ces défaillances systémiques et adopter des politiques qui donnent la priorité aux principes des droits humains, en garantissant les droits, la sécurité et le bien-être des femmes participant au commerce transfrontalier informel. Ce n’est qu’au prix d’efforts concertés et de réformes exhaustives alignées sur les principes du travail décent que la région pourra progresser vers un avenir où la dignité et les droits des femmes engagées dans le commerce transfrontalier informel seront protégés », a déclaré Tigere Chagutah.

Contexte

Le commerce transfrontalier informel englobe l’échange de biens et de services entre pays en dehors des circuits commerciaux officiels.

La mise en œuvre de plusieurs instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains concernant les droits des femmes et le droit au travail est essentielle pour garantir la protection des femmes dans le cadre du commerce transfrontalier informel contre les abus et les violations des droits humains. Il s’agit notamment de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole de Maputo.

Ces instruments énoncent les engagements pris par le Malawi, la Zambie et le Zimbabwe pour lutter contre les discriminations fondées sur le genre et faire progresser les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le droit au travail, des femmes en Afrique australe.

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