Turquie. L’objecteur de conscience Mehmet Tarhan a été condamné à vingt-cinq mois d’emprisonnement

Déclaration publique

EUR 44/019/2006

Amnesty International est consternée par la condamnation à vingt-cinq mois d’emprisonnement de l’objecteur de conscience Mehmet Tarhan, le 10 octobre 2006, par le tribunal militaire de Sivas, qui l’a reconnu coupable de deux chefs d’insoumission pour avoir refusé à deux reprises de faire son service militaire. Mehmet Tarhan a été condamné à dix mois d’emprisonnement pour un acte d’insoumission en avril 2005, accusation qui avait été annulée par la Cour d’appel militaire et renvoyée devant le tribunal militaire de Sivas. Mehmet Tarhan a également été condamné à un an et trois mois d’emprisonnement pour un autre chef d’accusation, remontant à juin 2005. Mehmet Tarhan est libre pour le moment et son avocat a interjeté appel de sa condamnation. Amnesty International est extrêmement préoccupée par le fait que Mehmet Tarhan a été une fois encore privé de son droit à l’objection de conscience. Si Mehmet Tarhan devait être incarcéré, Amnesty International le considèrerait comme un prisonnier d’opinion.

L’organisation considère que le fait que Mehmet Tarhan ait été jugé et reconnu coupable une fois encore d’insoumission est contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Turquie est un État partie, et dont l’article 14 dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ». Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déclaré dans son avis 36/1999 à propos du cas similaire d’Osman Murat Ulke, autre objecteur de conscience turc, que l’objection répétée au service militaire était « une seule et même action entraînant les mêmes conséquences et qu’il s’agit donc du même délit et non d’un nouveau délit. »

Plus récemment, en janvier 2006, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que les nombreuses procédures engagées contre Osman Murat Ulke l’avaient contraint à adopter une « clandestinité » allant presque jusqu’à la « mort civile », et qu’elles constituaient un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à laquelle la Turquie est aussi un État partie.

Amnesty International appelle les autorités turques à mettre immédiatement fin à la pratique consistant à juger une personne plusieurs fois pour la même infraction. De plus, l’organisation réitère à quel point il est urgent que la Turquie respecte la législation et les normes internationales en reconnaissant le droit à l’objection de conscience et en prenant des dispositions en faveur d’un service civil de remplacement, qui ne soit pas discriminatoire et dont la durée ne constitue pas une sanction.


Complément d’information

En Turquie, tous les hommes âgés entre dix-neuf et quarante ans doivent faire un service militaire d’une durée de quinze mois. Amnesty International est préoccupée par le fait que le droit à l’objection de conscience n’est pas légalement reconnu par les autorités et qu’il n’y a pas de disposition prévoyant un service civil de remplacement pour les objecteurs de conscience. Les normes internationales relatives aux droits humains reconnaissent le droit à l’objection de conscience. La Recommandation No. R (87) 8 du Comité des ministres aux États membres du Conseil de l’Europe relative à l’objection de conscience au service militaire obligatoire, adoptée le 9 avril 1987, dispose que : « Toute personne soumise à l’obligation du service militaire qui, pour d’impérieux motifs de conscience, refuse de participer à l’usage des armes, a le droit d’être dispensée de ce service […] Elle peut être tenue d’accomplir un service de remplacement ». Au cours des dernières années, un petit nombre d’objecteurs de conscience ont publiquement fait état en Turquie de leur refus de faire leur service militaire. Ils ont le plus souvent fait l’objet de poursuites au pénal.

Pour plus d’information sur le cas de Mehmet Tarhan, consulter le document Turquie. L’objecteur de conscience Mehmet Tarhan est un prisonnier d’opinion : il doit être libéré tout de suite ! (index AI : EUR 44/036/2005 ; http://web.amnesty.org/library/index/fraeur440362005)

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