CAMEROUN

République du Cameroun
CAPITALE : Yaoundé
SUPERFICIE : 475 442 km²
POPULATION : 16,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Paul Biya
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ephraïm Inoni
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Des défenseurs des droits humains ont été harcelés, agressés et arrêtés. Des personnes ont été détenues illégalement en raison de leur orientation sexuelle. Les recours formés par un groupe de prisonniers politiques condamnés au terme de procès iniques et maintenus en détention dans des conditions telles que trois d’entre eux sont morts depuis 1999 ont été examinés en décembre, six ans après leur dépôt. Les enquêtes ouvertes sur plusieurs décès en garde à vue, apparemment consécutifs à des actes de torture, n’étaient ni indépendantes ni transparentes. Des détenus ont été tués ou blessés lors d’émeutes provoquées par une forte surpopulation et une discipline carcérale extrêmement dure.

Contexte
La riche presqu’île pétrolifère de Bakassi demeurait sous le contrôle des forces nigérianes, malgré un arrêt en faveur du Cameroun rendu en 2002 par la Cour internationale de justice à la Haye. Des dirigeants locaux de nationalité nigériane ont fait pression sur leur gouvernement afin qu’il ne cède pas la presqu’île au Cameroun.

Menaces contre les défenseurs des droits humains
Cette année encore, des personnes critiques à l’égard du bilan gouvernemental camerounais en matière de droits humains ont été régulièrement harcelées, agressées ou arrêtées.
Nelson Ndi, un membre de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés qui avait tenté d’empêcher des agents de frapper un groupe de jeunes gens à proximité de son bureau, a été agressé le 3 février par des hommes du Groupement mobile d’intervention, une formation de police paramilitaire. À la connaissance d’Amnesty International, aucune action n’a été intentée contre ses agresseurs.

Détention illégale de personnes en raison de leur orientation sexuelle
Onze hommes âgés de dix-huit à quarante-neuf ans, ainsi que deux femmes, ont été arrêtés par la gendarmerie les 20 et 21 mai à Yaoundé. Inculpées de troubles à l’ordre public, les deux femmes ont été remises en liberté dans l’attente de leur procès. Les hommes, qui auraient dû être déférés devant un juge dans un délai de trois jours, ont été conduits le 13 juin à la prison centrale de Nkondengui, à Yaoundé, où ils ont pu voir un avocat pour la première fois. Ils ont ensuite été inculpés de sodomie en raison de leur homosexualité, réelle ou supposée.

Conseil national du Cameroun méridional
Au mois de décembre, à Yaoundé, la cour d’appel a statué sur les recours que des membres incarcérés du Southern Cameroons National Council (SCNC, Conseil national du Cameroun méridional) avaient formés à la suite des condamnations prononcées contre eux au cours de l’année 1999 par un tribunal militaire. Adelbert Ngek et Promise Nyamsai, qui purgeaient des peines de dix années d’emprisonnement, ont vu leur condamnation annulée et ont été libérés. Les peines de détention à perpétuité prononcées contre trois autres personnes ont été réduites à vingt-cinq ans, et celle d’une quatrième, condamnée à vingt ans de détention, a été ramenée à quinze ans. Deux détenus ont vu leur peine de quinze ans d’emprisonnement réduite à dix ans alors que, pour quatre autres, la cour a confirmé les condamnations à dix ans de détention infligées en première instance. Enfin, deux prisonniers, Wilson Neba Che et Samuel Neba Che, ont été libérés au mois de mai, après avoir purgé leur peine. Les condamnés qui restaient détenus ont formé un recours auprès de la Cour suprême.
Cela faisait plus de cinq ans que ces détenus se voyaient refuser le droit de faire appel. Des avocats ayant déposé une plainte en leur nom auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le ministre de la Défense avait annoncé en novembre 2004 qu’ils étaient autorisés à le faire. Après avoir débuté en janvier 2005, les audiences ont été ajournées à de multiples reprises, les autorités n’ayant pas fait comparaître la totalité des détenus concernés ou n’ayant pas fourni d’interprète à ceux d’entre eux qui étaient anglophones.
Accusés de faits en relation avec des attaques armées commises en 1997 dans la province du Nord-Ouest, les détenus avaient été condamnés à des peines allant de huit ans d’emprisonnement à la détention à perpétuité, à l’issue d’un procès inique qui s’était déroulé devant une juridiction militaire directement contrôlée par le ministère de la Défense. La plupart de ceux qui ont comparu devant la cour d’appel semblaient malades et fragilisés par des conditions d’incarcération extrêmement dures et l’absence de soins médicaux.
Julius Ngu Ndi, qui purgeait une peine de vingt ans d’emprisonnement, est mort de tuberculose en juillet. Il s’était apparemment vu refuser pendant plusieurs mois un traitement médical dont il aurait eu besoin rapidement et n’a été hospitalisé que quelques jours avant sa mort.
Les autorités ont réagi par des détentions arbitraires et illégales aux activités politiques, pourtant pacifiques, du SCNC.
Le 15 janvier, pas moins de 40 partisans du SCNC ont été arrêtés et leur chef de file, Henry Fossung, aurait été agressé par des agents du Groupement mobile d’intervention, à Buéa. Parmi les personnes arrêtées, les femmes, qui préparaient un repas pour une célébration chez Henry Fossung, ont été relâchées dans la journée sans avoir été inculpées. Les hommes ont été libérés deux jours plus tard. Selon certaines sources, un ministre aurait affirmé qu’ils avaient tenu une réunion secrète. Au mois d’octobre, Ayemba Ette Otun et une vingtaine d’autres membres du SCNC ont été interpellés au cours d’une réunion et maintenus en détention durant deux semaines.

Atteintes à la liberté d’expression
Les autorités ont continué d’invoquer des lois réprimant la diffamation pour emprisonner des journalistes dans le cadre d’affaires dont les motifs étaient de toute apparence politiques.
Jules Koum Koum, directeur du journal Le Jeune Observateur, a été condamné le 10 janvier à six mois d’emprisonnement pour avoir publié des articles dénonçant la corruption de certains dirigeants de compagnies d’assurance. Mis en liberté provisoire le 9 février, il a fait face à de nouvelles accusations dans des affaires de diffamation concernant une compagnie d’assurance et deux anciens ministres.

Dureté du régime carcéral
La surpopulation, une nourriture insuffisante et le manque de soins médicaux ont encore entraîné une mortalité élevée dans les prisons. Construite pour seulement 800 prisonniers, la prison de New Bell, à Douala, comptait environ 3 000 détenus au début de l’année 2005. Selon les informations reçues, des prisonniers dormaient à même le sol, parfois dans les toilettes, voire à l’extérieur des cellules. L’administration pénitentiaire n’assurait pas la sécurité des détenus.
Selon des informations qui sont parvenues à Amnesty International, un prisonnier a été tué et une vingtaine d’autres ont été blessés, le 3 janvier, lors d’une émeute à la prison de New Bell. Les violences qui ont éclaté entre prisonniers impliquaient un groupe appelé « anti-gang » et accusé de faire régner, à la demande des autorités, une discipline extrêmement sévère dans l’enceinte de la prison, y compris par des passages à tabac. L’émeute a été réprimée et le directeur de l’établissement a été remplacé peu après.

Torture et mauvais traitements
La torture a encore été pratiquée de manière systématique contre des suspects arrêtés par la police ou la gendarmerie. La plupart des auteurs de ces actes n’ont pas eu à en rendre compte, mais des enquêtes ont été ouvertes dans un petit nombre d’affaires dans lesquelles des suspects sont morts.
Au mois de mars, après des mois d’inaction, le parquet de Buéa a ouvert une information judiciaire concernant la mort à l’hôpital, le 10 juillet 2004, de Afuh Bernard Weriwo, un homme soupçonné du vol d’un vélo. Un policier de haut rang aurait, avec d’autres individus, agressé Afuh Weriwo après son arrestation chez lui, à Ikiliwindi, et mis le feu à ses vêtements. En octobre, le tribunal de grande instance de Kumba l’a condamné à cinq ans d’emprisonnement pour avoir torturé Afuh Bernard Weriwo et avoir provoqué sa mort. D’après les informations reçues, un témoin à charge essentiel aurait été menace de mort.
Le 8 février, Emmanuel Moutombi, accusé de détournement de fonds, a succombé aux blessures qui lui avaient été infligées à la mi-janvier, durant sa détention à Douala. D’après le rapport d’autopsie, il présentait des tuméfactions et des lésions graves sur tout le corps. Six gendarmes ainsi que le directeur d’Emmanuel Moutombi étaient accusés dans cette affaire et leur procès devant le tribunal militaire de Douala était en cours à la fin de l’année.
Onze personnes arrêtées au mois de septembre 2004 dans l’affaire du meurtre de John Kohtem, un des chefs du parti d’opposition Social Democratic Front (SDF, Front social démocratique), étaient maintenues en détention sans jugement. Un depute impliqué dans l’homicide est resté en liberté sous caution.

Violences contre les femmes
La loi ne protégeait toujours pas convenablement les femmes contre les violences. Environ 20 p. cent des femmes et des jeunes filles auraient été victimes de mutilations génitales, une pratique qui perdurait principalement dans les régions de l’extrême nord et du sud-ouest et demeurait autorisée par la loi. Les dispositions du Code pénal qui protègent un violeur de toute poursuite judiciaire s’il épouse sa victime restaient en vigueur, assurant ainsi l’immunité au coupable tout en exposant sa victime à de nouvelles violences.

Peine de mort
À la connaissance d’Amnesty International, aucune condamnation à la peine capitale n’a été prononcée ni appliquée. À la fin de l’année 2005, les autorités n’avaient toujours pas fait savoir combien de condamnés à mort avaient bénéficié du décret de grâce présidentielle publié le 29 novembre 2004. Aux termes de ce décret, les peines de mort sont commuées en peines de réclusion à perpétuité, sauf dans certains cas particuliers tels que les meurtres d’enfant. Le nombre de prisonniers attendant toujours leur exécution n’était pas connu.

Visites d’Amnesty International
Comme il le fait depuis plus de dix ans, le gouvernement a, cette année encore, refusé le droit à des représentants d’Amnesty International de se rendre dans le pays.

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