Les violences faites aux femmes en France : une affaire d’Etat !

Pour la première fois, Amnesty International (AI) publie un rapport sur les violences faites aux
femmes en France. Considérées pendant longtemps et par beaucoup comme une affaire privée qui ne relève
que de l’intime, les violences faites aux femmes sont pour AI une affaire d’Etat. Cette étude met en avant les
problématiques des violences au sein du couple et de la traite des femmes aux fins de prostitution.
D’autres aspects, comme les obstacles spécifiques rencontrés par les femmes dans un contexte de migration sont
également abordés, en particulier la question des mariages forcés et des mutilations sexuelles féminines.

Le but de cet ouvrage est de faire un état des lieux, non pas de la violence elle-même, mais de la réponse des
autorités françaises aux violences subies par les femmes. La contribution d’AI à la lutte contre ces violences est
un signal d’alarme adressé à la société et un appel à la responsabilité de l’Etat. « Tant que cette violence
spécifique sera occultée ou relativisée, tant qu’elle ne sera pas suffisamment prise en compte par l’Etat et
reconnue comme un véritable enjeu par la société toute entière, elle ne cessera pas. C’est à ce prix seulement
que la France qui se revendique comme la patrie des droits de l’homme sera aussi celle des droits des femmes. »
rappelle Prune de Montvalon, chercheuse d’AI France sur les violences faites aux femmes en France.


Violences au sein et autour du couple : tous les quatre jours en France, une femme meurt
sous les coups de son partenaire.
 [1]

« J’ai [...] tenté de prouver sa violence, mais c’était particulièrement difficile car il prenait soin de frapper où ça laissait le moins
de traces (coups de poing dans l’estomac) et les quelques certificats médicaux que j’ai pu utiliser ne mentionnaient pas grandchose. »
 [2]

Prévenir, sanctionner, réparer

Ce document rappelle que le droit international oblige les Etats à sanctionner les auteurs, mais aussi à agir pour
prévenir ces violences et garantir une réparation adéquate aux personnes qui les ont subies. Afin que la France
honore ses obligations, AI demande au gouvernement, par un courrier adressé au Premier ministre, M. de
Villepin, le 1er février 2006, d’adopter une politique ambitieuse en la matière en s’appuyant sur un plan d’action
interministériel coordonné.

Traitement judiciaire et accompagnement social efficaces

AI demande que le traitement judiciaire des allégations de violence soit rapide et efficace. Dès lors que les
autorités compétentes prennent connaissance d’une situation de violence, elles doivent s’assurer que des mesures
de protection adéquates soient prises pour protéger les femmes de nouvelles violences, que les auteurs soient
convoqués sans délai devant la justice et éloignés du domicile si la situation le demande. En cas d’éloignement, il
est indispensable que s’opère un suivi, aussi bien de la victime que de l’auteur dans un souci de protection.

Coordination et politique volontariste

S’il existe des mesures et dispositions relatives à la lutte contre la violence au sein du couple, celles-ci sont
disparates, morcelées et appliquées de façon hétérogène sur le territoire national.
Des cas de bonnes pratiques existent en France. Cependant, ces initiatives ne font pas toujours l’objet d’une
coordination entre les différentes autorités en jeu et surtout ces exemples sont encore assez rares pour être
remarqués. Ils reposent plus sur l’initiative d’individus que sur une véritable stratégie politique ambitieuse. AI
appelle l’Etat à mettre un cadre à son intervention en assurant une meilleure articulation entre les procédures
civiles et pénales. Renforcer la coordination au niveau national permettra une action efficace et un recueil
d’informations quant à son action sur l’ensemble du territoire.

Sensibilisation et information
Pour mieux lutter contre les violences faites aux femmes, AI enjoint l’Etat d’organiser une information régulière de
l’opinion publique à la problématique des violences faites aux femmes et de mettre, en œuvre en lien avec
l’Education nationale, une campagne de prévention des comportements sexistes dans les milieux scolaires.
AI demande aussi à l’Etat d’envisager la création d’un observatoire national des violences faites aux
femmes, qui permettrait de mieux connaître et de mesurer l’ampleur et les différents aspects de ce fléau par une
collecte systématique des données, mais aussi de surveiller la mise en œuvre des lois et d’en évaluer l’impact.

Traite : des victimes, pas des délinquantes
Le rapport d’AI recommande au gouvernement français d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie globale de
lutte contre la traite des êtres humains centrée sur la protection et la garantie des droits humains des victimes, et
qui vise la prévention de la traite des êtres humains, la sanction des auteurs, et la réparation des préjudices subis
par les victimes. AI appelle la France à signer, ratifier et mettre en œuvre, sans délai, la Convention
européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains.

« On a appelé Y. On lui a demandé de nous prêter de l’argent. Il nous a dit qu’on devrait le rembourser dans une semaine.
Comme c’était mon petit ami, je ne me doutais de rien. Dix jours plus tard, il nous a dit qu’on devait rembourser notre dette et il
nous a présentées à B. et à A. (un homme et une femme). Ils étaient proxénètes et on nous a dit que c’était juste pour une fois,
une manière de rembourser notre dette. Ils nous ont dit que ce qu’on allait faire allait rester entre nous. J’ai dit d’accord et je l’ai
fait une fois. Au retour à l’office (bureau des proxénètes), ils m’ont offert une poudre blanche qui s’appelle PICO. J’étais
dégoûtée de ce que je venais de faire et j’en ai pris. Le lendemain, ils m’ont offert une nouvelle dose. Une fois que je l’ai prise, ils
m’ont dit que je devais la payer. J’ai dû alors retourner dans l’office et j’ai été obligée de travailler pour eux pendant un an. Je
leur devais tout le temps de l’argent. J’ai quitté le lycée et je dormais dans une chambre en haut de l’office. Quand j’ai eu 18 ans,
ils m’ont dit que je devais partir [dans un pays d’Europe occidentale] pour rembourser ce qui restait et le reste je pouvais le
garder. Je n’ai donc pas eu le choix et j’ai dû obéir. »
 [3]

AI demande aux autorités compétentes de considérer une personne comme victime à partir du moment où il
existe des motifs raisonnables de croire qu’elle est ou qu’elle a été, victime de la traite.
L’identification et la protection des personnes victimes de la traite passe par l’accès pour les victimes à une
information sur leurs droits, par la sensibilisation, la formation et la qualification des professionnels et des
autorités compétentes.

AI demande aux autorités françaises de s’assurer que les victimes de la traite ne soient pas sanctionnées pour des
faits, notamment le racolage et le séjour irrégulier, résultants de l’exploitation dont elles sont victimes. Les
autorités doivent s’assurer que toute victime de la traite, quelle que soit la régularité de leur séjour dans le pays
et ce sans condition de dénonciation, a accès à une protection adéquate, ainsi qu’à des possibilités de réinsertion
et de réhabilitation.
Pour Geneviève Sevrin, présidente d’AI France, « toutes ces violences ont pour point commun d’être
fondées sur une discrimination de genre. De cette discrimination découle la domination. Cette
violence spécifique s’exerce sur les femmes avant tout parce qu’elles sont femmes ».
Ce rapport est édité chez Autrement. Il sera disponible le 9 février en librairie.

Notes

[11 Enquête du gouvernement auprès des services de police - 23 novembre 2005

[22 Témoignage de Mme N., recueilli par Amnesty International, 2005

[33 Témoignage de K., recueilli par Amnesty International, 2004/2005

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