SRI LANKA

Le cessez-le-feu entre le gouvernement et les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE, Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul) a été maintenu toute l’année, bien qu’un certain nombre de violations aient été constatées et que les pourparlers de paix n’aient pas repris. Dans le nord-est du pays, la situation relative aux droits humains s’est dégradée à la suite d’une violente scission au sein des LTTE, survenue au mois d’avril, et d’une forte augmentation du nombre d’homicides à caractère politique. Bien que de nombreux enfants soldats aient été libérés lors des affrontements internes, les LTTE ont continué de recruter des mineurs, y compris par la force. Le gouvernement a annoncé en novembre que la peine de mort allait être « réactivée » . De très nombreux cas de torture en garde à vue ont été signalés. Les victimes qui tentaient d’obtenir des réparations étaient de nouveau la cible de menaces et de violences. Le processus visant à obliger les forces de sécurité à rendre des comptes pour les violations des droits humains commises dans le passé n’avait guère avancé. Des menaces planaient sur les minorités religieuses et des agressions contre des chrétiens et des musulmans ont été signalées. Une proposition de loi destinée à réduire le nombre de conversions a en outre été déposée.

République socialiste démocratique de Sri Lanka
CAPITALE : Colombo
SUPERFICIE : 65 610 km²
POPULATION : 19,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Chandrika Bandaranaike Kumaratunga
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ranil Wickremesinghe, remplacé par Mahinda Rajapaksa le 10 avril
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
Les élections du 2 avril ont porté au pouvoir une fragile coalition, emmenée par la formation de la présidente de la République, la United People’s Freedom Alliance (Alliance pour la liberté du peuple uni). La Tamil National Alliance (TNA, Alliance nationale tamoule), proche des LTTE, s’est adjugé la majorité des sièges dans le nord-est du pays, où la consultation a été marquée par des fraudes, des manœuvres d’intimidation et des violences. Plusieurs candidats du United National Party (UNP, Parti national unifié) et de la TNA, ainsi qu’un militant de l’Eelam People’s Democratic Party (EPDP, Parti démocratique du peuple d’Eelam), ont notamment été tués.
Au mois de mars, le chef des LTTE pour la région orientale du pays, connu sous le nom de colonel Karuna, a fait sécession, entraînant à sa suite de nombreux cadres de l’organisation. Le mois suivant, des milliers de combattants des LTTE ont investi l’est du pays pour affronter Karuna et ses partisans. Après quatre jours de combats meurtriers, Karuna a démobilisé l’essentiel de ses troupes et est passé dans la clandestinité. Il a cependant continué de dénoncer les LTTE et a formé son propre parti politique qui, en octobre, a rejoint l’Eelam National Democratic Liberation Front (ENDLF, Front national démocratique de libération de l’Eelam). Tout au long de l’année 2004, la situation est demeurée explosive dans la région orientale de l’île, théâtre d’un nombre croissant d’assassinats politiques ainsi que de nombreux accrochages entre les LTTE et des combattants restés fidèles à Karuna. De nombreux mineurs ont également été enrôlés dans les rangs des combattants.
Malgré les efforts des médiateurs norvégiens, les pourparlers de paix n’ont pas repris. Dans une atmosphère de méfiance réciproque, les LTTE insistaient toujours pour que leur proposition de formation d’une autorité autonome provisoire constitue la base de toute discussion. De son côté, la coalition au pouvoir à Colombo peinait à définir sa position. Le 7 juillet, une militante des LTTE chargée de commettre un attentat-suicide, dont la cible pourrait avoir été le député de l’EPDP Douglas Devananda, a fait exploser sa bombe dans un poste de police de la capitale sri-lankaise, tuant quatre policiers.
Le 27 novembre, dans son allocution annuelle à l’occasion de la Journée des héros, Velupillai Prabhakaran, dirigeant des LTTE, a déclaré que ceux-ci pourraient reprendre leur « combat pour la liberté » si leur proposition n’était pas prise en compte. Le 24 décembre, les LTTE ont ouvertement rejeté la dernière offre de négociation du gouvernement, alors que les craintes d’une reprise du conflit ne cessaient de croître.
Le 26 décembre, un violent tremblement de terre a ébranlé le fond de l’océan Indien, provoquant un raz-de-marée qui a déferlé sur la côte sri-lankaise et tué plus de 30 000 personnes. La plupart des victimes se trouvaient dans le sud et l’est du pays, mais les infrastructures ont été en grande partie dévastées et plus de 400 000 personnes ont dû trouver refuge dans d’autres régions de l’île. Après cette catastrophe, des villages de tout le pays ont très rapidement envoyé de l’aide aux personnes touchées, le gouvernement et les LTTE ont entrepris des opérations de secours et d’urgence, et l’aide internationale a commencé à affluer.

Homicides à caractère politique
L’année 2004 a vu une très forte augmentation du nombre des homicides à caractère politique à la suite de la scission des LTTE, en particulier dans l’est du pays. À partir du mois d’avril, un nombre croissant de civils, notamment des personnes appartenant à des groupes d’opposition tamouls, ont été assassinés par les LTTE et les partisans de Karuna. Certains de ces crimes ont été commis dans des zones contrôlées par le gouvernement ou près de barrages de contrôle de l’armée régulière srilankaise. Les LTTE ont par conséquent accusé cette dernière de soutenir les forces de Karuna. Les meurtres et les actes d’intimidation incessants ont engendré un climat de peur chez la population civile de l’est de l’île, tout en mettant le cessez-le-feu à rude épreuve. Un certain nombre de personnes ont également été tuées à Colombo.
Le journaliste Aiyathurai Nadesan a été abattu le 31 mai, alors qu’il se rendait sur son lieu de travail, à Batticaloa. On supposait que les meurtriers étaient des partisans de Karuna.
Le 8 juillet, Balasuntaram Sritharan et Thillaiampalam Sundararajan ont été éxécutés en public par les LTTE, dans le village d’Illuppaiadaichenai, dans l’est du pays. Dans une déclaration diffusée par leur branche politique du secteur Batticaloa-Amparai, les LTTE expliquaient que les deux hommes avaient été condamnés à mort pour « trahison ».
Balanadarajah Iyer, l’un des principaux porte-parole de l’EPDP, a été abattu, le 10 août, à Wellawatte, un quartier de Colombo. Les LTTE seraient impliqués dans cet assassinat.

Enfants soldats
Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 448 mineurs auraient été recrutés dans des forces combattantes au cours des six premiers mois de l’année 2004. L’organisation estimait cependant que ce chiffre était vraisemblablement très en deçà de la réalité.
Selon certaines informations, de nombreux enfants soldats auraient été mobilisés lors des combats qui ont opposé, au mois d’avril, les LTTE et les partisans de Karuna, et plusieurs d’entre eux auraient été tués ou blessés. Au lendemain des affrontements, plus de 1 600 enfants de l’est du pays, qui s’étaient battus avec les partisans de Karuna, ont été démobilisés et sont spontanément rentrés chez eux. On a appris, en mai et juin, que les LTTE cherchaient apparemment à récupérer un grand nombre d’entre eux pour les intégrer dans leurs rangs par l’intimidation, la force et la violence. Furieux que leurs enfants aient été utilisés dans des affrontements fratricides, un certain nombre de parents de la région ont tenté de s’organiser pour s’opposer à leur remobilisation. Le recrutement des enfants a également progressé dans le nord vers le milieu de l’année, les LTTE cherchant à reconstituer leurs effectifs après le départ des nombreux cadres ralliés à Karuna.
En mai et en juin 2004, des habitants de Vaharai, dans le district de Batticaloa, qui tentaient de s’opposer aux membres des LTTE venus enrôler de force leurs enfants, ont été frappés à coups de bâton. Une femme a été assommée. Une autre a été coupée au visage.
Au mois de mai, quatre jeunes garçons de Trincomalee ont été à nouveau enrôlés, de force, par des individus venus les chercher chez eux, au beau milieu de la nuit. La mère de l’un des garçons a été frappée et blessée.

Torture
De nombreux cas de torture aux mains de la police ont été signalés, ainsi que des morts en garde à vue. Des pressions auraient été exercées sur des victimes qui tentaient d’obtenir réparation devant les tribunaux, pour les contraindre à retirer leur plainte. Gerald Perera, qui devait témoigner contre sept policiers devant la Haute Cour, a ainsi été blessé par balle le 21 novembre et a succombé un peu plus tard aux blessures qui lui avaient été infligées.
La Commission nationale de la police a annoncé en août que la lutte contre les actes de torture perpétrés par des policiers allait être la grande priorité de son action. Elle a précisé qu’elle serait dorénavant chargée de l’ensemble du contrôle disciplinaire des fonctionnaires de police, récupérant ainsi les attributions qui étaient jusque-là celles de l’inspecteur général de la police, pour les policiers de grade inférieur à celui d’inspecteur. La Commission nationale des droits humains a mis en place une Unité pour la prévention et la détection de la torture, chargée d’enquêter sur toutes les allégations de torture et d’effectuer des inspections-surprises dans les lieux de détention. Toutefois, l’inspecteur général de la police a émis en septembre une directive, fondée sur un avis du procureur général, selon laquelle la Commission des droits humains avait l’obligation d’avertir la hiérarchie policière avant toute inspection d’un local de police ou d’un autre lieu de détention clandestin.

Peine de mort
Le Bureau de la présidence a annoncé le 20 novembre que la peine de mort serait applicable, à dater de ce jour, « en cas de viol, de meurtre et de trafic de stupéfiants ». Cette déclaration annonçait la fin d’un moratoire de vingt-sept ans sur les exécutions. La décision de réactiver la peine capitale avait été prise après le meurtre d’un juge de la Haute Cour et d’un policier attaché à sa protection. La dernière exécution remontait à 1976. Depuis, toutes les peines capitales avaient été automatiquement commuées par les présidents successifs.

Loi relative à la prévention du terrorisme
Fin 2004, une quarantaine de personnes étaient apparemment toujours détenues au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme.
Répondant en juillet à une plainte déposée au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a estimé que les droits de Nallaratnam Singarasa avaient effectivement été violés et que ce dernier devait bénéficier de mesures appropriées, éventuellement sous la forme d’une libération ou d’un nouveau procès, avec indemnisation. Nallaratnam Singarasa avait été arrêté en 1993, au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme, et condamné en 1995 à cinquante ans d’emprisonnement. Il a affirmé avoir été torturé pendant sa détention. Il aurait, selon lui, été obligé d’apposer l’empreinte de son pouce au bas d’une feuille sur laquelle figuraient des « aveux » en cingalais, une langue qu’il ne comprenait pas. Or, ces « aveux » constituaient le principal élément à charge retenu contre lui lors de sa condamnation.

Minorités religieuses
Plusieurs élus du Parlement ont déposé en juillet une proposition de loi relative à l’« interdiction de la conversion forcée », qui limitait les circonstances dans lesquelles une personne pouvait se convertir. Ce texte ayant été critiqué par certains, qui l’estimaient anticonstitutionnel, la Cour suprême a jugé, au mois d’août, que des modifications devaient y être apportées. Une autre proposition de loi a été déposée en novembre. Elle envisageait de modifier la Constitution afin de faire du bouddhisme la religion nationale. Aucun de ces deux textes n’avait été adopté à la fin de l’année.
Des groupes chrétiens se sont plaints d’attaques menées dans certains villages du sud du pays par des bouddhistes, contre des pasteurs et des églises. Des émeutes ont opposé, en octobre, différentes sectes musulmanes dans l’est de l’île. Une mosquée appartenant à une obédience minoritaire a été détruite et des familles ont, semble-t-il, dû quitter leurs foyers. À peu près à la même époque, des tensions entre musulmans et Tamouls ont engendré des émeutes à Mannar et à Akkaraipattu.

Autres documents d’Amnesty International
. Sri Lanka. Priorité doit être donnée aux droits humains durant les élections (ASA 37/001/2004)
. Sri Lanka. En quête d’enfants soldats, les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul s’en prennent violemment aux familles (ASA 37/002/2004)
. Sri Lanka. Des organisations de défense des droits humains demandent à une délégation des Tigres tamouls de mettre fin aux assassinats et au recrutement d’enfants soldats (ASA 37/005/2004)
. Sri Lanka. Libérez Nallaratnam Singarasa ! (ASA 37/006/2004)
. Sri Lanka. Amnesty International est préoccupée par l’annonce de la reprise des exécutions (ASA 37/007/2004).

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