TUNISIE : Les préparatifs en vue du Sommet mondial sur la société de l’information débutent dans la violence : des défenseurs des droits humains et des manifestants pacifiques arrêtés

Index AI : MDE 30/002/2005
ÉFAI
Mardi 8 mars 2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International s’inquiète de la récente escalade de violence et d’intimidation dirigée contre des manifestants pacifiques en Tunisie, à quelques mois de l’ouverture dans ce pays du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), rencontre entre organisations inter-gouvernementales et de la société civile organisée par les Nations unies en novembre.
Après l’invitation lancée par le gouvernement au Premier ministre israélien Ariel Sharon pour qu’il assiste au SMSI, des manifestations ont eu lieu en différents endroits du pays pour protester contre cette décision. Le 4 mars, de nombreuses personnes, parmi lesquelles des défenseurs des droits humains, auraient été physiquement agressées au moment où plusieurs centaines de membres des forces de police étaient déployés dans le but d’empêcher de petits groupes de se rassembler pour manifester dans le centre de la capitale Tunis. La manifestation était à l’appel de partis politiques et d’organisations non-gouvernementales indépendantes qui voulaient protester contre le refus des autorités de leur accorder l’autorisation de tenir meeting.
Radhia Nasraoui, avocate et militante des droits humains, qui se rendait à la manifestation a été violemment frappée par des policiers. Elle a déclaré avoir eu le nez fracturé, des plaies au front et des ecchymoses sur tout le corps. Sa fille, qui était avec elle au moment de l’attaque, a aussi été frappée et a perdu connaissance ; elle présenterait des ecchymoses sur tout le corps et une blessure à la tête qui aurait nécessité plusieurs points de suture. Radhia Nasraoui semble avoir été ciblée en raison de ses remarques ouvertement critiques après l’arrestation de l’avocat Mohammed Abbou la semaine dernière.
En outre, Najoua Rezgui, ancienne prisonnière d’opinion, qui se trouvait dans un café à l’heure de la manifestation a également été attaquée par des membres des forces de police. Elle aurait été hospitalisée suite aux coups reçus. De très nombreux autres manifestants ont également été arrêtés ; on sait pour la plupart d’entre eux qu’ils ont été remis en liberté le 5 mars.
Le 1er mars, Mohammed Abbou, avocat et membre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) a été inculpé pour propagation de fausses nouvelles, diffamation, incitation à enfreindre la loi et publication de propos injurieux. On lui aurait retiré le droit d’exercer en tant qu’avocat. Mohammed Abbou a été arrêté la semaine dernière pour avoir publié en août 2004 un article dénonçant la torture en Tunisie, alors que les images de torture pratiquée sur des prisonniers d’Abou Ghraïb avaient éveillé un intérêt pour la question. Toutefois, beaucoup croient son arrestation liée à un article récent écrit par lui sur la visite d’Ariel Sharon en Tunisie. Le 2 mars, des centaines d’avocats se sont rassemblés au Palais de Justice de Tunis pour protester contre l’arrestation de Mohammed Abbou ; beaucoup d’entre eux, notamment la femme de Mohammed Abbou, auraient été physiquement agressés par des policiers en civil.
Le 28 février, plusieurs étudiants ont été arrêtés après des manifestations à Sfax, dans le sud de la Tunisie. Cinq d’entre eux, deux étudiantes notamment, ont été placés en détention et auraient été torturés dans les locaux de la police de Sfax. Les allégations de torture font état de détenus suspendus au plafond et de coups portés sur la plante des pieds. Certains auraient eu les poignets cassés et des contusions au visage.
Les faits et cas mentionnés ci-dessus ne sont que quelques exemples d’une campagne de répression qui se poursuit depuis longtemps en Tunisie. Amnesty International condamne ces actes et demande aux autorités tunisiennes de respecter les obligations du pays au regard du droit tunisien et des normes internationales relatives aux droits humains et de mettre un terme à la répression continue de la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. L’organisation appelle également les autorités à garantir la protection des défenseurs des droits humains et des militants de la société civile et de veiller à ce qu’ils puissent mener leurs activités sans ingérence ni crainte de persécution.
Complément d’information
Lors de la conclusion de la première phase du SMSI qui s’est déroulée à Genève en décembre 2003, une Déclaration de Principes avait été adoptée, dans laquelle le respect des droits humains et de la liberté d’expression étaient réaffirmés comme des éléments fondamentaux à la construction d’une société de l’information dans laquelle l’accès à l’information, aux idées et à la connaissance seraient garantis à tous sans restriction à travers le monde. Au mépris de ces principes et du fait que la Tunisie doit accueillir la deuxième phase du SMSI, les pratiques bafouant ces droits se poursuivent en Tunisie. Amnesty International a depuis de longues années mis en lumière les violations du droit à la liberté d’expression et d’association en Tunisie ; depuis le début des années 90, les libertés d’expression, d’association et de réunion ont été sensiblement réduites dans le pays. Des organisations indépendantes de défense des droits humains n’ont pas obtenu d’être enregistrées officiellement en tant que telles ou ont été gênées dans leurs activités. La liberté de la presse est pratiquement inexistante et le gouvernement bloque régulièrement l’accès à un certain nombre de sites sur la toile. .

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