ÉTATS-UNIS : Le sergent Camilo Mejia Castillo est un prisonnier d’opinion

Index AI : AMR 51/094/2004
ÉFAI

Vendredi 4 juin 2004

DÉCLARATION PUBLIQUE

Le 21 mai 2004, un tribunal militaire américain a condamné le sergent Camilo Mejia Castillo, de la Garde nationale de Floride, à la peine maximale d’un an d’emprisonnement pour désertion. Il avait refusé de rejoindre son unité en Irak, invoquant des raisons morales, la légalité de la guerre et la conduite des troupes américaines en Irak vis-à-vis des prisonniers et des civils irakiens. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion, détenu pour son opposition de conscience à participer à la guerre.

La condamnation a été prononcée en dépit du fait que l’armée n’a pas encore rendu de décision concernant sa demande du statut d’objecteur de conscience. Au cours de son procès, ses avocats n’ont pas été autorisés à présenter d’arguments concernant son objection de conscience à la guerre, notamment à décrire les exactions dont il avait été témoin. Il est actuellement détenu dans une prison militaire, à Fort Sill en Oklahoma. Il a fait appel du jugement, mais on s’attend à ce que le processus d’appel soit long.

Camilo Mejia avait été envoyé en Irak en avril 2003. Il a commencé à avoir des doutes sur le sens moral et la légalité de la guerre. En octobre 2003, il est rentré chez lui pour deux semaines de permission. Il n’a pas regagné son unité en Irak et a déposé une demande d’exemption pour objection de conscience le 16 mars 2004, déclarant avoir la conviction que la guerre et l’occupation de l’Irak étaient « illégales et immorales ».

Dans sa demande pour obtenir le statut d’objecteur de conscience, Camilo Mejia a décrit les conditions de détention et les traitements imposés aux prisonniers irakiens, donnant notamment des exemples de directives données aux soldats pour « briser la détermination des prisonniers » ; celles-ci incluaient donner des coups de marteau sur des surfaces en métal pour empêcher les prisonniers de dormir et charger des pistolets tout près des oreilles des détenus. Il a également affirmé avoir été témoin du meurtre de civils, parmi lesquels des enfants.

Camilo Mejia décrit comment ses sentiments ont évolué, ce qu’il a vu et fait en Irak, toutes choses qui l’ont poussé à prendre position en se basant sur sa conscience. Ses objections aux exactions en Irak datent d’avant la publication de photos d’Américains maltraitant et torturant physiquement et mentalement des détenus irakiens à la prison d’Abou Ghraïb en Irak, mais son procès s’est déroulé au moment où l’attention des médias se concentrait sur ce sujet. Un des avocats de la défense, Ramsey Clark, ancien ministre de la Défense, a parlé de « l’incroyable ironie qui fait que nous poursuivons en justice en Irak des soldats soupçonnés d’avoir enfreint les règles du droit international et que nous poursuivons ici un soldat parce qu’il a refusé de faire la même chose. »

Amnesty International a adopté Camilo Mejia comme prisonnier d’opinion et demande sa remise en liberté immédiate et sans condition. Il est le premier soldat américain connu à être jugé pour « désertion » après avoir servi en Irak dans le cadre du conflit actuel. Amnesty International pense qu’il a été emprisonné pour son objection de conscience à la guerre en Irak, bien qu’il ait entrepris des démarches raisonnables pour être libéré de ses obligations militaires.

Avant sa condamnation, Camilo Mejia a déclaré : « Je n’ai pas de regrets, aucun regret... Je ferai face, parce que mon honneur est intact, je sais que j’ai fait ce que je devais faire. »

Complément d’information

Amnesty International considère comme objecteur de conscience toute personne qui, pour des raisons de conscience ou par conviction profonde, refuse d’accomplir un service militaire ou de participer de quelque autre manière, directe ou indirecte, à une guerre ou un conflit armé. Cette définition peut inclure des soldats engagés qui deviennent objecteurs de conscience après avoir rejoint les rangs de l’armée. Chaque fois qu’une personne est détenue ou emprisonnée uniquement parce que son droit à l’objection de conscience ou à effectuer un service civil de remplacement n’a pas été respecté, Amnesty International considère cette personne comme un prisonnier d’opinion.

Amnesty International considère également les objecteurs de conscience comme des prisonniers d’opinion lorsqu’ils sont emprisonnés pour avoir quitté les forces armées, sans autorisation, pour des raisons de conscience, lorsque, du fait de ces raisons, ils ont effectué les démarches nécessaires pour obtenir d’être libérés de leurs obligations militaires.

Il est évident, à la lecture de la demande de Camilo Mejia pour obtenir le statut d’objecteur de conscience, qu’il est bien un objecteur de conscience ; son refus de la guerre est le résultat des violations des droits humains dont il a été le témoin en Irak. Il a essayé de se faire libérer de ses obligations militaires, n’étant pas citoyen américain et ayant effectué huit années de service dans l’armée américaine, en mettant en avant son objection de conscience et en demandant ensuite le statut d’objecteur de conscience. Par conséquent, Amnesty International estime qu’il n’aurait dû être ni jugé ni emprisonné pour « désertion » et qu’il doit être remis en liberté immédiatement et sans condition.

Depuis avril 2004, des photos d’Américains maltraitant et torturant physiquement et mentalement des détenus irakiens en Irak ont fait le tour du monde. Un soldat américain a comparu devant un tribunal militaire américain à Bagdad et a été condamné à la peine maximale, un an d’emprisonnement, après avoir reconnu son implication dans des actes de torture commis sur des détenus irakiens. Plusieurs autres soldats sont en attente d’un procès.

Amnesty International a répertorié des cas de torture et mauvais traitements de détenus en Irak et fait part de ses préoccupations à l’Autorité Provisoire de la Coalition (APC) et aux gouvernements américain et britannique. Certains détenus ont été contraints de rester allongés face contre terre, menottés, cagoulés ou ont été emmenés les yeux bandés lors de leur arrestation. Pendant les interrogatoires, ils auraient été frappés de façon répétée, maintenus dans des positions douloureuses pendant de longues périodes, privés de sommeil pour certains, contraints de rester debout pendant de longs moments et exposés à de la musique très forte ou des lumières violentes pour les désorienter. Certains sont morts en détention, semble-t-il des suites de tortures.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit