Santos tente de rassurer

On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même - ou sa famille. Ainsi, le 23 mai, sur son site internet, le grand quotidien national colombien "El Tiempo", de la famille Santos, annonce la teneur de son éditorial du jour : "Après avoir analysé les propositions des divers postulants, "El Tiempo" soutient les aspirations de Juan Manuel Santos à la présidence". Le titre lui-même ne pourrait être plus clair : "Le meilleur".

Le meilleur héritier de huit années de politique dite de "sécurité démocratique" du président Alvaro Uribe, Juan Manuel Santos l’est incontestablement. Au poste de ministre de la Défense, de 2006 à 2009, il a incarné la ligne exclusivement militaire du gouvernement contre la guérilla des FARC. De ce point de vue-là, l’année 2008 est l’apogée de sa carrière, avec l’opération Fenix, durant laquelle le numéro 2 des Farc, Raul Reyes, est abattu en Equateur, et l’opération Jaque qui libère 15 otages de la guérilla, dont la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt.

Mais au niveau international, ces succès sont entachés de scandales. Ainsi, les relations entre Bogota et Quito ne se sont jamais remises de la violation du territoire équatorien par l’aviation colombienne lors de l’élimination de Reyes. De plus, la justice équatorienne vient de rappeler son intention d’émettre un mandat d’arrêt contre Santos, tenu pour responsable de ces événements. Pour ce qui est de l’opération Jaque, le détournement délibéré et illégal des symboles du CICR est une des violations des Conventions de Genève de la période Santos.

Surtout, son nom est attaché au scandale des "faux positifs" - ces assassinats extrajudiciaires de civils innocents perpétrés par une armée poussée au résultat à coups de primes. Le Parquet colombien estime les victimes à plus de 2000.

Pour radoucir son image, Juan Manuel Santos décide début mai d’avoir recours aux talents d’un certain JJ Rendon, spécialiste en marketing politique et maître dans l’art de la rumeur. Son client le plus récent : le Hondurien Porfirio Lobo, élu dans un contexte démocratiquement peu crédible, mais qui a permis de faire oublier le coup d’Etat du 28 juin 2009. JJ Rendon a-t-il estompé l’aura de brutalité de Santos ? Celui-ci demeure en tête des sondages. Ses atouts ? Une machine politique élaborée au cours d’une longue carrière, le soutien explicite du président Uribe à ses ambitions, et des reports de voix qui, au second tour, pourraient valider un discours antiterroriste plus rassurant que les propos confus de son principal adversaire, Antanas Mockus.

Pour rassurer ceux qui s’inquiéteraient de son absence de sens politique, Santos a clôturé sa campagne en jouant l’ouverture tous azimuts : son rival de droite Vargas Lleras, la conservatrice Noémie Sanin, le libéral Rafael Pardo, le candidat de gauche Gustavo Petro, et bien sûr le vert Mockus incarneraient autant de tendances qu’il serait ravi d’intégrer à sa future équipe. Et le président sortant ? "Dans mon gouvernement, je lui donnerais le poste qu’il lui plairait le mieux." (1)

Source:Geneviève Maurer, La Libre Belgique, 29/05/2010.

(1) http://www.clarin.com/diario/2010/05/26/elmundo/i-02200036.htm

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