Il faut enquêter sur les homicides imputés à la police nigériane

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI - 12 février 2010

Amnesty International a demandé au président par intérim Goodluck Jonathan de respecter les engagements pris lors de son discours d’intronisation, en établissant une commission indépendante chargée d’enquêter sur tous les cas d’homicides illégaux présumés attribués à la police nigériane ces dernières années.

Cet appel fait suite à la diffusion sur Al Jazira, il y a quelques jours, de séquences vidéo montrant des policiers ouvrir le feu sur des personnes non armées et les tuer, à Maiduguri (État de Borno) en juillet 2009.

« La police nigériane tue de sang froid à une fréquence régulière sans crainte de sanctions. Il faut que cela cesse. Le gouvernement doit faire le nécessaire pour que tous les homicides donnent lieu à une enquête, que les résultats soient rendus publics et que les auteurs présumés d’exécutions illégales soient traduits en justice », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

« La vidéo diffusée par Al Jazira n’est pas un exemple isolé de recours illégal aux armes à feu par la police nigériane. C’est un phénomène répandu. »

La vidéo montre clairement des policiers nigérians perpétrer des exécutions extrajudiciaires, braquant ainsi les projecteurs sur un sujet traité par Amnesty International dans un rapport publié en décembre 2009.

« Les déclarations répétées du gouvernement prônant la tolérance zéro pour les exécutions extrajudiciaires et la torture sonnent creux au vu de sa réticence à arrêter certains policiers en dépit de l’accumulation d’éléments de preuve incriminants les associant à de terribles violations des droits humains. »

Lors de son discours d’intronisation, le 9 février 2010, le président par intérim Goodluck Jonathan a déclaré : « La police nigériane et les autres services de sécurité se voient donner un nouvel élan dans le cadre de leurs fonctions, y compris en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux des Nigérians. Ils sont tenus de produire des résultats en ce sens. Aucun échec ne sera toléré. Les Nigérians méritent d’être pleinement protégés à tout moment et dans tout le pays. »

« Amnesty International se félicite de l’engagement pris par le président par intérim en faveur de la protection des droits fondamentaux des Nigérians dans tout le pays, et nous lui demandons de traduire ces paroles en actes en établissant sans délai une commission d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur l’ensemble des exécutions extrajudiciaires attribuées à des policiers ces dernières années, et de veiller à ce que cette instance bénéficie de tout le soutien nécessaire afin de déférer en justice les auteurs présumés de ces actes », a ajouté Erwin van der Borght.

Complément d’information

La vidéo diffusée sur Al Jazira aurait été filmée au cours d’une semaine d’affrontements opposant membres du groupe religieux Boko Haram et forces de sécurité dans les États de Borno, de Kano, de Katsina et de Yobe, où plus de 800 personnes, dont 24 policiers, ont perdu la vie en juillet 2009. Le dirigeant de Boko Haram, Mohammed Yusuf, a été tué en garde à vue le 30 juillet 2009. La police a affirmé qu’il essayait de s’échapper. Des photos de son corps sans vie indiquent qu’il était menotté au moment de sa mort.

Une commission créée en août 2009 afin d’« enquêter sur les circonstances ayant mené à la crise, notamment le meurtre présumé du dirigeant de Boko Haram et le massacre ou homicide de plus de 17 policiers » n’a fait état d’aucune avancée.

Les forces de sécurité nigérianes ont coutume de procéder à des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Dans son rapport intitulé Nigeria. Ils tuent à leur gré. Exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux commis par la police au Nigeria, Amnesty International a révélé que la police nigériane se rend coupable de centaines d’exécutions extrajudiciaires chaque année.

D’innombrables exécutions extrajudiciaires ont lieu lors d’opérations de police ; les policiers abattent régulièrement des personnes qu’ils accusent d’être des « voleurs armés », affirmant souvent que les victimes essayaient de s’échapper. L’ordonnance de police n° 237 et la Constitution nigériane autorisent les agents de police à ouvrir le feu sur des suspects qui tentent de s’échapper ou d’éviter une arrestation, ce qui est contraire aux normes internationales.

Amnesty International craint également que de nombreux détenus ayant disparu en garde à vue n’aient été victimes d’une exécution extrajudiciaire. Il arrive aussi que des policiers ouvrent le feu sur des conducteurs qui ne leur versent pas de pots-de-vin aux postes de contrôle et les tuent.

Très peu de policiers sont traduits en justice, faute de lois le permettant et d’une volonté d’enquêter et d’engager des poursuites. Le mépris généralisé au sein de la police pour les droits humains et les garanties prévues par la loi ont contribué à créer une culture de l’impunité.

Les victimes sont en très grande partie pauvres, et leurs proches n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat. Ceux qui se plaignent sont ignorés et ceux qui persistent risquent le harcèlement.

En dépit des multiples déclarations du gouvernement nigérian selon lesquelles il mettra fin aux exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux, très peu a été fait. Ces quatre dernières années, les autorités nigérianes ont créé deux comités chargés d’examiner le bilan des forces de police et de proposer des réformes. Les recommandations qu’ils ont formulées n’ont pas été suivies d’effet. La révision de la Loi de 1990 relative à la police a débuté en 2004, mais n’a toujours pas débouché sur un nouveau texte.

Selon les normes et le droit internationaux, les responsables de l’application des lois ne doivent recourir aux armes à feu que pour se défendre ou défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, pour prévenir une infraction mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour empêcher une personne présentant un tel danger de s’échapper. Tout usage de la force ou d’une arme à feu ayant entraîné la mort ou des blessures doit faire l’objet d’une enquête visant à établir qu’il ne s’agissait pas d’un recours arbitraire ou abusif à la force. Ces enquêtes doivent également s’appliquer, le cas échéant, aux chefs de la police et aux personnes ayant des responsabilités au sein de la chaîne de commandement. Les personnes soupçonnées doivent être relevées de leurs fonctions le temps de l’enquête.

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