Les restrictions de l’accès à l’eau dans les territoires palestiniens occupés

Les Palestiniens des territoires occupés ne bénéficient pas d’un approvisionnement suffisant en eau salubre. Ce problème, qui entrave considérablement et depuis longtemps le développement socio-économique des territoires occupés, prive de nombreux habitants de leur droit à un niveau de vie décent ainsi que du droit à la nourriture, à la santé et au travail. La consommation d’eau par habitant des Palestiniens est trop faible au regard des normes internationales de protection de la santé publique. La pénurie chronique d’eau affecte des domaines essentiels de la vie, notamment l’hygiène, les activités agricoles et industrielles et l’élevage.

Suite aux actions menées, nous avons reçu des réponses des autorités israéliennes .

Les autorités israéliennes ont réagi au rapport d’Amnesty International et aux campagnes menées par les sections d’Amnesty International, les structures et les membres.
Les réponses de l’IWA (régie des eaux israéliennes) et du ministère de la Justice se distinguent par l’accent mis sur divers aspects du rapport d’Amnesty International, mais toujours dans le but de réfuter les conclusions d’Amnesty International, ou de viser à blâmer l’Autorité palestinienne et la Palestinian Water Authority (PWA) pour le déficit en eau, mais ils laissent aussi beaucoup d’appels d’Amnesty International sans réponse. Par exemple, les autorités ne donnent pas d’écho de la politique de l’armée qui vise à détruire les citernes de récupération d’eau, qui affecte de nombreuses zones rurales, ou de refuser de connecter les villages au réseau d’eau alors que dans le même temps l’approvisionnement aux colonies israéliennes est amplement assuré, colonies illégales au regard du droit international .

Vous pouvez prendre connaissance du contenu de ces courriers et des réponses qui y sont apportées par Amnesty International dans le document ci-joint "ArgumentsAI-Site"

ArgumentsAI-Site

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La politique israélienne discriminatoire envers les Palestiniens des territoires occupés est la cause essentielle de la disparité frappante entre Palestiniens et Israéliens en matière d’accès à l’eau. La consommation d’eau des Palestiniens atteint à peine 70 litres par personne et par jour, soit une quantité bien inférieure aux 100 litres minimum par personne recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La consommation d’eau des Israéliens, par personne et par jour, est quatre fois supérieure.

Cette inégalité est flagrante entre les localités palestiniennes et les colonies israéliennes illégales établies dans les territoires palestiniens occupés en violation du droit international. Les piscines, pelouses bien arrosées et immenses domaines agricoles irrigués dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés forment un contraste saisissant avec les villages palestiniens voisins dont les habitants ont bien du mal à avoir accès à l’eau pour leurs besoins domestiques essentiels. Dans certaines zones de la Cisjordanie, les colons israéliens consomment jusqu’à 20 fois plus d’eau par personne que leurs voisins palestiniens, qui survivent avec à peine 20 litres d’eau par jour et par personne, soit la quantité minimale recommandée par l’OMS en situation d’urgence.

Israël contrôle l’accès à l’eau des Palestiniens dans les territoires occupés et le réduit à un niveau insuffisant pour leurs besoins, qui ne constitue pas une répartition équitable des ressources en eau communes. Israël utilise au moins 80 % de la nappe aquifère montagneuse, seule ressource en eau dont disposent encore les Palestiniens, presque entièrement alimentée par les précipitations sur la Cisjordanie. Israël s’est entièrement approprié la part du Jourdain revenant aux Palestiniens. De plus, il dispose d’autres ressources en eau qu’il ne partage pas avec les Palestiniens.

Le contrôle de l’eau en Cisjordanie occupée

— Israël détermine la quantité d’eau que les Palestiniens peuvent puiser dans la nappe aquifère partagée ainsi que les endroits où ils peuvent s’approvisionner.

— Israël contrôle le recueil des eaux pluviales et des sources dans presque toute la Cisjordanie. Les citernes de collecte des eaux de pluie sont souvent détruites par des militaires israéliens.

— Les Palestiniens ne sont pas autorisés à creuser de nouveaux puits ni à remettre en état des puits anciens sans l’autorisation des autorités israéliennes. Il est difficile, voire souvent impossible, d’obtenir ces autorisations. Il faut obtenir un permis auprès des autorités israéliennes même pour les canalisations qui relient des puits aux localités palestiniennes.

— L’armée israélienne contrôle l’accès aux routes que les camions-citernes doivent emprunter pour ravitailler les villages palestiniens non reliés au réseau d’approvisionnement en eau. La circulation des véhicules palestiniens est interdite ou restreinte sur de nombreuses routes, entraînant des retards ou obligeant les camionneurs à faire de longs détours, ce qui accroît considérablement le prix de l’eau.
L’accès des Palestiniens à l’eau ainsi que le développement et l’entretien des réseaux d’approvisionnement et d’assainissement sont rendus extrêmement difficiles par ces restrictions.

De 180 000 à 200 000 villageois palestiniens de Cisjordanie occupée n’ont pas accès à l’eau courante. L’eau est souvent coupée même dans les villes et villages reliés au réseau d’approvisionnement. Le rationnement est particulièrement fréquent durant les mois d’été. Dans de nombreux endroits, les Palestiniens ne reçoivent de l’eau qu’un jour par semaine, voire un jour toutes les quelques semaines ; certaines zones sont privées d’eau pendant plusieurs mois. Lorsque la distribution d’eau courante est interrompue, les Palestiniens doivent acheter de l’eau livrée par camion-citerne à un prix beaucoup plus élevé. Les habitants de nombreux villages non reliés au réseau d’approvisionnement doivent parcourir de longues distances pour trouver de l’eau chère et souvent d’une qualité douteuse.

Les catégories les plus vulnérables – les habitants de villages isolés et ceux des camps de réfugiés surpeuplés – sont les plus frappées par la pénurie d’eau et l’insuffisance des réseaux d’assainissement. Ces dernières années, dans les territoires palestiniens occupés, le chômage et la pauvreté ont augmenté et le revenu disponible s’est effondré. Les familles palestiniennes doivent donc consacrer une part toujours plus importante de leurs revenus à l’approvisionnement en eau.

Quatre-vingt-dix à 95 % de l’eau fournie à Gaza est contaminée et impropre à la consommation humaine. Israël n’autorise pas le transfert d’eau de la Cisjordanie à Gaza. La seule ressource en eau de Gaza, la nappe aquifère côtière, qui ne suffit pas aux besoins de la population et s’épuise progressivement en raison de la surexploitation, est de plus contaminée par des infiltrations d’eaux usées et d’eau de mer. Les restrictions sévères imposées par Israël à l’entrée à Gaza de matériaux et d’engins nécessaires à l’extension et à la réparation des infrastructures ont entraîné une nette dégradation de la situation sanitaire et de l’approvisionnement en eau.

Durant plus de quarante ans d’occupation, Israël a surexploité les ressources en eau et a laissé se délabrer les infrastructures de distribution d’eau et d’évacuation des eaux usées dans les territoires palestiniens occupés. Il utilise les territoires palestiniens occupés pour y déverser ses déchets, ce qui provoque la pollution de la nappe phréatique. Il est nécessaire d’agir sans délai pour garantir à la population palestinienne un approvisionnement en eau suffisant et équitable et pour empêcher la poursuite de la dégradation des ressources et de l’environnement.

Les obligations d’Israël au regard du droit international

Dès lors que son armée occupe des territoires palestiniens, Israël doit respecter dans ces territoires tant les principes du droit international humanitaire que ceux du droit international relatif aux droits humains. Bien que les autorités israéliennes le contestent, la communauté internationale (et notamment tous les organes de défense des droits humains des Nations unies) a régulièrement rappelé qu’Israël était tenu d’appliquer le droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans les territoires palestiniens occupés ; elle l’a exhorté à maintes reprises à respecter ses obligations.

Il incombe clairement à Israël, en tant que puissance occupante, de respecter les droits fondamentaux des Palestiniens, notamment le droit à un niveau de vie décent - qui comprend le droit à l’eau et à la nourriture - ainsi que le droit à la santé et au travail. Il doit non seulement s’abstenir de commettre des actes contraires à ces droits, mais aussi protéger la population palestinienne contre toute atteinte à ses droits par des particuliers et prendre des mesures réfléchies, concrètes et ciblées pour garantir la jouissance complète de ces droits.

Les ordonnances militaires relatives au contrôle des ressources en eau dans les territoires palestiniens occupés prises par l’armée israélienne peu après l’occupation de ces territoires – Ordonnances militaires 92 et 168 de juin et novembre 1967 et Ordonnance militaire 291 de décembre 1968 – sont toujours en vigueur.

Les Accords d’Oslo de 1993 n’ont pas modifié le statut juridique des territoires palestiniens occupés, qui restent occupés et effectivement contrôlés par Israël. Ces accords précisent d’ailleurs : « La question de la propriété de l’eau et des infrastructures d’assainissement afférentes en Cisjordanie sera abordée lors des négociations sur le statut final » (art. 40). Celles-ci, qui devaient se dérouler à la fin des années 1990, n’ont toujours pas eu lieu.

Israël ne remplissant pas ses obligations en tant que puissance occupante, les donateurs internationaux puis, après sa création au milieu des années 1990, l’Autorité palestinienne de l’eau ont dû s’attacher à surmonter ces obstacles.

Cet organisme n’exerce qu’un contrôle très limité sur les ressources en eau de la Cisjordanie. Les Accords d’Oslo lui allouaient simplement la tâche de gérer un approvisionnement insuffisant en eau. Israël contrôle la quantité d’eau que les Palestiniens peuvent pomper dans la nappe aquifère commune, de même que les décisions de forage ou de réfection des puits ainsi que la mise en œuvre d’autres projets relatifs à l’eau. Les activités de l’Autorité palestinienne de l’eau, affectées par des restrictions imposées par Israël, dépendent des financements octroyés par des donateurs internationaux. Ces restrictions aggravées par une conduite des affaires publiques déficiente, une gestion fragmentée et les divisions internes de l’Autorité palestinienne de l’eau contribuent à la perte d’un tiers de l’eau fournie en raison de fuites. Les donateurs ne s’empressent généralement guère de dénoncer les obstacles qui entravent la mise en œuvre de projets relatifs à l’eau et de prendre des mesures efficaces pour y remédier.

Compétence territoriale aux termes des Accords d’Oslo
Les Accords d’Oslo ont divisé la Cisjordanie en zones A, B et C. L’armée israélienne a transféré à l’Autorité palestinienne la responsabilité des affaires civiles, c’est-à-dire la fourniture de services à la population, dans les zones A et B. Ces deux zones, qui contiennent près de 95 % de la population palestinienne de Cisjordanie, ne représentent que 40 % du territoire.
La zone C reste entièrement placée sous l’autorité de l’armée israélienne. Cette zone représente 60 % du territoire de la Cisjordanie, avec toutes les réserves foncières et l’accès aux ressources aquifères, ainsi que toutes les routes principales. Les zones A et B ne sont pas d’un seul tenant, mais fragmentées en enclaves entourées par des colonies israéliennes et des routes réservées aux colons, ainsi que par la zone C.
Cette configuration entrave le développement d’infrastructures performantes pour l’approvisionnement en eau et l’évacuation des eaux usées. La plupart des Palestiniens résident dans les zones A et B, mais les infrastructures dont ils dépendent se trouvent dans la zone C ou la traversent. Les déplacements des Palestiniens dans la zone C sont limités ou interdits ; l’armée israélienne autorise rarement les travaux de construction ou d’aménagement.

La privation d’eau comme moyen d’expulser des villageois

"Le droit à l’eau ne doit être dénié à aucun ménage en raison de sa situation en matière de logement ou du point de vue foncier."
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 15. Le droit à l’eau

Le 4 juin 2009, l’armée israélienne a démoli les maisons et les enclos pour animaux de 18 familles palestiniennes dans le village de Ras al Ahmar, situé dans la région de la vallée du Jourdain, en Cisjordanie. Ces familles comptaient plus de 130 personnes, dont de nombreux enfants. Les soldats ont confisqué la citerne, le tracteur et la remorque que les villageois utilisaient pour apporter l’eau. Ils ont été privés de logement et d’eau à l’époque la plus chaude de l’année.

Cette affaire s’inscrit dans une série d’événements similaires visant les villages palestiniens de cette région. Le 28 juillet 2007, par exemple, des soldats israéliens qui tenaient un poste de contrôle ont confisqué le tracteur et la citerne d’Ahmad Abdallah Bani Odeh, du village de Humsa. Cet homme se rendait à la source d’Ain Shibli pour approvisionner son village en eau. Les militaires ont dit aux habitants que, pour récupérer le véhicule, ils devraient s’engager par écrit à quitter définitivement la zone et s’acquitter d’une amende de 4 500 shekels (environ 810 euros), une somme bien supérieure aux moyens de personnes qui disposent au maximum de 1,35 euro par jour pour vivre. Les villageois ont fini par récupérer le tracteur et la citerne après leur départ pour une autre région et le paiement d’une amende réduite.

Un responsable militaire israélien a expliqué à Amnesty International que le tracteur et la citerne avaient été saisis car ces véhicules permettaient aux villageois de rester dans la région que l’armée avait déclarée « zone militaire fermée ». Un second tracteur appartenant aux villageois a été saisi quelques jours plus tard.

Ces dernières années, des habitations palestiniennes ont été détruites à plusieurs reprises et des citernes saisies à Humsa, Hadidiya et Ras al Ahmar, entre autres villages de la vallée du Jourdain. Les habitations – des tentes et des baraques en tôle et en bâche de plastique - sont chaque fois reconstruites. Les villageois étant déterminés à rester sur leurs terres malgré des conditions de vie extrêmement dures, l’armée israélienne restreint de plus en plus leur accès à l’eau pour les contraindre à quitter la région.

Des puits importants qui se trouvent à proximité sont réservés aux colons israéliens des implantations de Ro’i, de Beka’ot et de Hamdat. Les villageois palestiniens doivent parcourir jusqu’à 20 kilomètres pour acheter de petites quantités d’eau.

L’armée israélienne a récemment creusé des fossés pour bloquer le passage entre les villages et les régions voisines. Elle a également érigé des postes de contrôle sur les routes principales où la circulation des Palestiniens est strictement limitée. Ces restrictions ont rendu l’accès à l’eau plus difficile et plus cher pour les Palestiniens de la région. Ceux-ci doivent faire de longs détours et souvent attendre aux postes de contrôle, où leurs citernes risquent d’être saisies.

Inaam Bisharat, une mère de sept enfants résidant à Hadidiya, a décrit la situation à Amnesty International  :
«  Nous vivons dans des conditions extrêmement dures, sans eau ni électricité ni aucun autre service. Le manque d’eau est le problème le plus grave. Les hommes passent la plus grande partie de la journée [...] à chercher de l’eau et ils ne peuvent pas toujours en rapporter. Mais nous n’avons pas le choix. On a besoin d’un petit peu d’eau pour survivre et pour garder les moutons en vie. Sans eau on ne peut pas vivre. L’armée [israélienne] nous a complètement isolés […] on n’a pas choisi de vivre comme cela ; nous aussi on aimerait avoir des belles maisons, des jardins et des fermes, mais ces privilèges sont réservés aux colons israéliens […] nous n’avons même pas droit aux services de base. »

Parce qu’ils disposent de quantités d’eau très insuffisantes, les villageois ne peuvent pas cultiver la terre ni même faire pousser quelques légumes pour leur consommation personnelle ou quelques plantes fourragères pour leur bétail. Ils ont été forcés de réduire la taille de leurs troupeaux.

Dans le passé, les Palestiniens de la vallée du Jourdain assuraient leur subsistance en cultivant la terre, en élevant des chèvres et des moutons et en vendant leur production de lait et de fromage. Ces dernières années, il leur a été impossible en raison de la pénurie d’eau de cultiver les terres, qui sont pourtant fertiles, ou de conserver plus de quelques têtes de ce petit bétail qui est devenu leur seule source de revenus. La pénurie d’eau a déjà contraint de nombreux villageois à quitter la région, et la survie de la population est de plus en plus difficile.

En revanche, les colonies israéliennes établies en violation du droit international sur des terres palestiniennes occupées disposent d’un accès illimité à l’eau pour irriguer de vastes étendues de terres agricoles. L’agriculture irriguée est la principale activité économique des colonies israéliennes de Cisjordanie. La plus grande partie de la production est exportée. Les étendues verdoyantes des implantations israéliennes illégales à côté des villages palestiniens desséchés fournissent un exemple frappant de la politique discriminatoire d’Israël à l’égard des Palestiniens des territoires occupés.

Tandis que les villageois palestiniens ont du mal à trouver tous les jours assez d’eau pour satisfaire leurs besoins essentiels, dans les colonies israéliennes voisines les champs sont irrigués par aspersion en plein midi, ce qui revient à gaspiller la plus grande partie de l’eau car, à cette heure-là, elle s’évapore avant même d’atteindre le sol.

L’interdiction de la collecte des eaux de pluie

Les villages qui ne sont pas raccordés aux réseaux de distribution d’eau dépendent entièrement de l’eau de pluie pour leurs besoins domestiques et agricoles. L’eau collectée dans les citernes souterraines durant la saison des pluies peut représenter plusieurs mois de consommation pour certaines familles, selon la pluviométrie annuelle. Une fois épuisée la réserve d’eau de pluie, les villageois achètent de l’eau livrée par camion et la conservent dans leurs citernes.

Des citernes de collecte des eaux de pluie sont utilisées depuis des siècles dans la région. Elles sont généralement petites, leur capacité moyenne étant de 50 m3. Elles sont construites selon la tradition nabatéenne – une cavité ronde ou carrée, creusée dans le sol, aux parois recouvertes de pierres ou de ciment pour empêcher les fuites. L’ouverture est fermée en dehors des moments d’utilisation pour empêcher l’évaporation et la pollution. Les eaux de ruissellement sont recueillies dans les citernes durant la saison des pluies et conservées pour être utilisées durant la saison sèche.

Le 15 janvier 2008, des militaires israéliens ont détruit neuf citernes non loin du village de Beit Ula, au nord-ouest de Hébron. Ces équipements, construits en juin 2006 dans le cadre d’un programme agricole destiné à améliorer la sécurité alimentaire, appartenaient à neuf familles. Le projet avait été financé par l’Union européenne et construit par deux organisations non gouvernementales locales : les Comités palestiniens de secours agricole (PARC) et le Groupe d’hydrauliciens palestiniens (PHG). Dans le cadre de ce projet la terre avait été nivelée en terrasses dans le style traditionnel et 3 200 arbres – oliviers, amandiers, citronniers et figuiers – avaient été plantés. Les citernes étaient un élément essentiel du projet, chacune d’entre elles devant fournir de l’eau pour une parcelle de 10 à 12 dunums (1 à 1,2 hectare). Les paysans avaient également financé une partie importante du coût total du projet.

Nous avons investi beaucoup d’argent et avons travaillé très dur pour ce projet. La terre est bonne et c’était un très bon projet. Nous avons beaucoup réfléchi à la manière de façonner les terrasses, de construire les citernes et de faire le meilleur usage de la terre. Nous avons planté des arbres qui demandent peu d’eau […] même s’il n’a pas assez plu cette année pour remplir les citernes, l’eau recueillie a servi pour les jeunes arbres, ils poussaient bien. Mais [l’armée israélienne] a tout détruit. Ils sont passés et repassés avec le bulldozer et ont tout arraché […] C’est très douloureux pour moi de voir les destructions chaque fois que je viens ici, tout le fruit de notre travail a été anéanti. Pourquoi commettre un tel acte ? Quel bien peut [en] sortir ?

Des groupes vulnérables pris pour cible – les collines du sud d’Hébron

Les villageois des collines situées au sud d’Hébron dépendent largement de l’élevage de chèvres et de moutons pour assurer leur subsistance. Ces dernières années, ils ont subi des difficultés croissantes en raison d’une sécheresse prolongée qui a réduit la quantité d’eau qu’ils peuvent recueillir durant la saison des pluies, diminué la récolte de fourrage et menacé les pâturages. Leur situation a été aggravée par les restrictions croissantes que l’armée israélienne a imposées à l’accès à l’eau et aux pâturages.

Dans le village palestinien de Susya, la plupart des citernes ainsi que des dizaines d’habitations ont été détruites par l’armée israélienne en 1999 et en 2001. Celles qui restent, et même des latrines, sont sous le coup d’un ordre de démolition.

Les citernes, dont certaines existaient depuis des siècles, ont été démolies au moyen d’explosifs ou écrasées par des bulldozers et remplies de graviers et de ciment, ce qui rend impossible leur remise en état. Les panneaux solaires qui avaient été donnés aux villageois pour produire de l’eau chaude ont été fracassés.

L’eau, c’est la vie. Sans eau, on ne peut pas vivre. Ni les hommes, ni les animaux, ni les plantes. Avant, nous avions de l’eau, mais depuis que l’armée a tout détruit, nous devons l’apporter de très loin. C’est très difficile, et très cher. Ils nous rendent la vie très difficile, pour nous forcer à partir.  » Déclaration de Fatima al Nawajah, habitante de Susya, à Amnesty International.

Officiellement, comme dans d’autres cas, les édifices ont été démolis car ils avaient été érigés sans permis, l’armée israélienne refusant systématiquement de délivrer des permis de construire aux Palestiniens de cette région. Le but de cette opération était d’expulser la population du village pour permettre l’expansion de la colonie israélienne de Sussia.

L’expansion de cette colonie dans les années 1990 a coïncidé avec un harcèlement accru des villageois palestiniens par les colons et des tentatives de l’armée pour les expulser. Depuis que les militaires ont détruit la plupart de leurs grottes - des constructions historiques datant de plusieurs milliers d’années – les Palestiniens vivent sous des tentes ou des abris et risquent constamment d’être chassés de la région. Plus de la moitié des villageois ont déjà été contraints de partir, soit, dans de nombreux cas, après la destruction des citernes en 1999 et en 2001, soit plus tard, en raison des restrictions à l’accès à l’eau et à la terre.

Je tiens en main des pointes métalliques que des colons israéliens ont utilisées aujourd’hui pour saboter un camion qui transportait de l’eau [fournie par l’organisation humanitaire internationale Oxfam] jusqu’au village palestinien de Susya, tout près d’ici. Toute cette région est gravement touchée par la sécheresse, et l’eau fournie par Oxfam est une nécessité. Des dizaines de pointes ont été disposées en travers de la route avant l’arrivée prévue du camion transportant l’eau. Le véhicule a eu trois pneus crevés, il a été immobilisé […] le chauffeur a quand même pu livrer l’eau, avec du retard. »
Joel Gulledge, Christian Peacemakers Team (CPT), 12 septembre 2006.

Tirer sur des réservoirs à eau pour « s’entraîner au tir »

La plupart des maisons palestiniennes des territoires occupés ont des réservoirs d’eau sur le toit pour pallier la pénurie constante d’eau. Ces réservoirs sont souvent pris pour cible par des soldats israéliens.

« Mes amis parachutistes me disaient souvent qu’ils s’allongeaient sur les toits à Naplouse et tiraient sur les réservoirs d’eau pour les voir exploser… » Grade : Sergent-chef, unité : « Sting »

Interrogé par Amnesty International sur la raison pour laquelle les réservoirs d’eau situés sur le toit des maisons palestiniennes étaient pris pour cible, un soldat qui a servi dans les territoires occupés a répondu :
« Les réservoirs d’eau sont parfaits pour s’entraîner au tir. Il y en a partout, ils ont la bonne taille pour viser juste et régler ton arme, ils te permettent de passer tes nerfs, de donner une leçon aux gamins du quartier qui t’ont lancé des pierres et que tu n’as pas pu attraper ou de couper la monotonie d’un tour de garde.

La destruction des réseaux d’approvisionnement en eau

Pendant l’offensive militaire israélienne qui a duré vingt-deux jours en décembre 2008 et janvier 2009 (opération Plomb durci), les attaques israéliennes ont endommagé les réseaux d’approvisionnement en eau et d’assainissement de Gaza ; les dégâts sont estimés à environ 4,3 millions d’euros. Quatre réservoirs d’eau, 11 puits et des réseaux d’évacuation des eaux usées ainsi que des stations de pompage ont été endommagés. Vingt mille mètres de canalisations d’eau ont été détériorés ou détruits par des chars et des bulldozers israéliens. Des stations d’épuration ont été endommagées dans le nord et le centre de la bande de Gaza, ce qui a entraîné le déversement d’eaux usées sur plus d’un kilomètre carré de terrains agricoles et résidentiels, détruisant des récoltes et créant un risque sanitaire.

En avril 2009, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a commenté des expertises dont les résultats avaient été publiés en mars. Selon cette étude, 14 % des échantillons d’eau recueillis en février 2009 étaient contaminés. L’OCHA a précisé qu’il craignait que l’eau ne soit contaminée par des munitions toxiques comme le phosphore blanc.

Ces dernières années, les offensives militaires israéliennes dans les territoires occupés se sont régulièrement accompagnées de destructions et de détérioration des réseaux d’approvisionnement en eau. À la fin de janvier et au début de février 2003, lors d’une incursion à Rafah, la ville la plus pauvre de la bande de Gaza, située à l’extrême Sud du territoire, les militaires israéliens ont ainsi détruit deux puits publics qui fournissaient de l’eau potable à la moitié de ses 120 000 habitants.

Ces puits étaient au nombre des 102 détruits par l’armée israélienne dans la bande de Gaza en moins d’un an, entre le 1er juillet 2002 et le 31 mars 2003. Les habitants ont été contraints de trouver de l’eau ailleurs. Celle qu’ils ont utilisée était souvent de mauvaise qualité, comme celle des puits agricoles qui ne sont pas destinés à fournir de l’eau potable et ne sont donc pas contrôlés ni désinfectés par les autorités chargées de l’eau.

Dans un rapport d’évaluation des besoins à la suite des incursions de mai 2004, des agences humanitaires des Nations unies ont écrit :
« À la suite des incursions de mai, la santé publique s’est dégradée en raison des dégâts occasionnés aux réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement et du surpeuplement des établissements [hospitaliers]. Le dispensaire du ministère de la Santé à Tal el Sultan a signalé avoir reçu, entre le 1er et le 17 mai, 848 enfants, soit une cinquantaine par jour, qui souffraient de diarrhée et de maladies de peau […] Entre le 22 et le 31 mai […] le dispensaire a reçu 1 363 enfants - soit 151 par jour. »

Les attaques délibérées des militaires israéliens, parfois menées à titre de représailles, contre des réseaux et infrastructures d’approvisionnement en eau ainsi que sur différentes installations, dont des centrales, qui agissent directement sur la fourniture et la qualité de l’eau constituent une violation du droit international humanitaire.

Le blocus empêche les réparations et la reconstruction

La détérioration et l’effondrement des installations d’eau et d’assainissement à Gaza aggravent une situation qui est un affront à la dignité humaine dans la bande de Gaza. Cette crise se traduit essentiellement par une forte diminution du niveau de vie de la population de Gaza, par la réduction des moyens de subsistance, la destruction et la détérioration des infrastructures de base et une baisse importante de la fourniture et de la qualité de services essentiels dans le domaine de la santé, de l’eau et de l’assainissement. » Maxwell Gaylard, coordonnateur humanitaire de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés, 3 septembre 2009

Quatre-vingt-dix à 95 % de la nappe aquifère côtière de Gaza est contaminée et impropre à la consommation en raison des infiltrations d’eau de mer et d’eaux usées. Les matériaux nécessaires pour la construction et la réparation des infrastructures d’approvisionnement en eau et des stations d’épuration ne peuvent pénétrer dans la bande de Gaza en raison du blocus imposé par Israël. Les installations, en très mauvais état après des décennies d’abandon, se dégradent encore plus.

Les restrictions à l’entrée de produits chimiques et de combustible industriel entravent davantage le fonctionnement des stations d’épuration, des puits et des installations de dessalement.

En raison du manque de capacité des stations d’épuration existantes, près de la moitié des eaux usées de Gaza, soit environ 70 000 m3 par jour, sont rejetées en mer sans avoir été retraitées, ce qui contamine le littoral et les stocks de poisson qui constituent une part importante des moyens de subsistance des habitants de Gaza.

L’ampleur du problème a été mise en lumière le 27 mars 2007 : ce jour-là, le remblai d’un bassin de retenue d’eaux usées dans la station d’épuration du nord de la bande de Gaza s’est effondré, inondant le village bédouin d’Um al Nasser. Cinq personnes ont été tuées et des centaines d’autres se sont retrouvées sans logement.

Selon la Banque mondiale :
« En novembre 2008, la plupart des puits avaient cessé de fonctionner en raison du manque de pièces détachées, d’autres ne fonctionnaient qu’à la moitié de leur capacité. Les coupures d’électricité et le manque de diesel pour les générateurs ont affecté la distribution d’eau et le pompage pour remplir les réservoirs des ménages. La station n’a plus de chlore, produit indispensable pour désinfecter l’eau. L’usine de dessalement de Khan Younis a une capacité de 90 m3 à l’heure, mais en raison du manque de pièces détachées et de produits chimiques, elle produit 30 m3 […] Par conséquent, plus de 50 % des foyers n’ont pas accès au réseau de distribution d’eau et certains sont privés d’eau depuis plus de dix jours. »

Peu de progrès ont été accomplis bien que les autorités israéliennes aient promis d’autoriser l’entrée des matériaux indispensables pour la distribution d’eau et l’assainissement.

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