Japon. Un procès en révision met en évidence la nécessité d’une réforme de la justice

DÉCLARATION PUBLIQUE

ÉFAI-
22/10/2009

Le 23 juin 2009, Toshikazu Sugaya, après avoir passé dix-sept ans en prison, s’est vu accorder le droit de bénéficier d’un nouveau procès. Cet homme a été condamné à la réclusion à perpétuité en 1993, après avoir été déclaré coupable du meurtre d’une fillette de quatre ans tuée à Ashikaga, dans la préfecture de Tochigi.

Sa condamnation reposait en grande partie sur des éléments de preuve ADN, dont la fiabilité a été mise en cause récemment par de nouvelles analyses génétiques réalisées par l’école médicolégale de l’université Nihon à la demande de ses avocats, ainsi que sur ses « aveux », sur lesquels il est revenu à deux reprises au cours de ses procès. Son procès en révision s’ouvre ce jeudi 22 octobre.

Le ministère public a fait savoir qu’il allait requérir l’acquittement de Toshikazu Sugaya. Le parquet suprême a annoncé la mise en place d’une équipe chargée de réexaminer les investigations et les procès consécutifs au meurtre de 1990.

Toshikazu Sugaya a avoué le crime après avoir été interrogé par la police, mais il est revenu par la suite sur ses déclarations, affirmant qu’elles lui avaient été arrachées sous la contrainte. Il a entamé une procédure en appel auprès du tribunal de district d’Utsunomiya afin d’être rejugé, en présentant des analyses ADN récentes ainsi que d’autres éléments de preuve nouveaux, et en mettant en cause la véracité de ses « aveux ».

Il a été débouté de sa requête le 13 février 2008. Amnesty International appelle les autorités japonaises à veiller à ce qu’aucune déclaration obtenue sous la torture ou au moyen d’autres formes de mauvais traitements ne puisse être jugée recevable dans le cadre d’une procédure judiciaire, si ce n’est à titre de preuve contre des auteurs présumés d’actes de torture.

L’affaire Sugaya suscite de vives préoccupations quant au fonctionnement de la justice au Japon, à l’heure où le pays introduit un nouveau système faisant appel à des juges non professionnels. La pratique des daiyo kangoku, des « prisons de substitution » utilisées pour la détention provisoire, permet à la police japonaise de maintenir des personnes en détention jusqu’à vingt-trois jours avant toute inculpation.

Aucune norme ou disposition réglementaire ne précise la durée des interrogatoires, qui ne font l’objet d’aucun enregistrement. Dans les faits, il n’est pas rare que les avocats n’obtiennent l’autorisation de s’entretenir avec leur client que deux ou trois jours après l’avoir demandée, et leurs échanges sont limités à quinze à vingt minutes, alors qu’aucune disposition du Code pénal japonais ne prévoit de telles restrictions.

La justice japonaise fait largement appel aux aveux, qui sont généralement recueillis lorsqu’un suspect est détenu dans le cadre du système des daiyo kangoku. Dans ces « prisons de substitution », ces « aveux » sont couramment arrachés sous la torture ou au moyen d’autres formes de mauvais traitements.

Amnesty International a recensé un certain nombre de pratiques utilisées dans les daiyo kangoku. Les suspects sont notamment passés à tabac, privés de sommeil, interrogés du petit matin à des heures tardives de la nuit, et contraints à rester debout ou assis dans une même position pendant de longues périodes. Amnesty International appelle les autorités japonaises à prendre des dispositions pour que le système des daiyo kangoku soit aboli et pour que tous les interrogatoires soient intégralement enregistrés et se déroulent systématiquement en présence d’un avocat.

Le 29 septembre 1999, Michitoshi Kuma a été condamné à mort à Fukuoka pour le meurtre de deux écolières tuées le 20 février 1992. Sa condamnation reposait sur la même technique d’analyse ADN que celle utilisée dans l’affaire Sugaya, technique dont l’absence de fiabilité a aujourd’hui été démontrée. Michitoshi Kuma n’a cessé d’affirmer qu’il était innocent malgré les « preuves » ADN. Il a été exécuté le 28 octobre 2008. Ses avocats ont décidé de demander une révision posthume de son jugement.

En mai 2007, le Comité des Nations unies contre la torture a recommandé aux autorités japonaises, en substance, de veiller à ce qu’un avocat soit présent lors des séances d’interrogatoire, à ce que celles-ci fassent systématiquement l’objet d’enregistrements électroniques et vidéo, et à ce que ces enregistrements soient mis à disposition lors des procès au pénal. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a réitéré ces recommandations dans ses observations finales en octobre 2008. Cependant, les autorités japonaises ne les ont pas encore suivies.

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