Pakistan. Appel au président Zardari pour qu’il commue les peines de mort le jour de l’anniversaire de Benazir Bhutto

Déclaration publique

En 2008, le Premier ministre Yousouf Raza Gillani avait proposé à l’Assemblée nationale de commuer toutes les peines de mort prononcées au Pakistan en peines d’emprisonnement à vie le 21 juin, jour anniversaire de l’ancienne Premier ministre assassinée Benazir Bhutto.

Amnesty International appelle le président pakistanais Asif Ali Zardari – veuf de Benazir Bhutto – à commémorer le jour anniversaire de son épouse, un an après la proposition du Premier ministre Yousouf Raza Gillani, en commuant immédiatement toutes les peines de mort en peines d’emprisonnement à perpétuité. La Constitution confère au président l’autorité pour commuer les peines de mort sans plus de délai.

Amnesty International trouve encourageant que le nombre de condamnations à la peine capitale et le nombre d’exécutions aient diminué au Pakistan en 2008. Toutefois, le Pakistan continue d’appliquer la peine de mort et 7 500 prisonniers environ sont toujours en attente de leur exécution. En 2008, on estime à 236 le nombre de personnes condamnées à mort, parmi lesquelles 36 ont été exécutées, dont 16 après la déclaration faite par le Premier ministre en juin.

Ces exécutions, tout comme l’Ordonnance sur la prévention des crimes électroniques de novembre 2008 – prévoyant la peine capitale lorsque « l’infraction de cyber terrorisme » entraîne la mort – vont à l’encontre de l’esprit de la proposition du Premier ministre Yousouf Raza Gillani en faveur de la commutation des peines.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception aucune, considérant qu’il s’agit du châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit ; c’est une violation du droit à la vie proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains. La peine de mort légitime un acte irréversible de violence par l’État et fait inévitablement des victimes innocentes, comme cela a été démontré à de nombreuses reprises.

Les recherches menées par Amnesty International montrent que les tribunaux de première instance au Pakistan imposent fréquemment la peine capitale pour meurtre, tout en s’attendant à ce que la sentence ne soit pas exécutée, les familles arrivant fréquemment à un compromis et pardonnant à l’auteur présumé des faits, ce qui se traduit par la libération de celui-ci conformément aux dispositions de la loi pakistanaise relative à la qisas (réparation). Parfois les négociations autour de l’indemnisation se poursuivent alors même que le condamné est sur le point d’être pendu.

La loi relative au meurtre et dommages corporels, qui s’appuie sur les principes de qisas (réparation) et de diyat (« prix du sang », sous forme de compensation financière) est discriminatoire en pratique : les riches et les puissants ont généralement les moyens de s’assurer le pardon de la famille de la victime et obtiennent du coup leur libération, tandis que les pauvres et les exclus du pouvoir sont souvent exécutés.

Le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a développé ce point :
« lorsqu’une grâce obtenue au moyen de la diyah porte sur une peine de mort, elle entraîne presque à coup sûr d’importantes violations du droit à une procédure équitable dans les cas où la grâce n’est en principe pas accordée. Puisque cette procédure ne prévoit pas qu’un jugement définitif soit rendu par un
tribunal, ni qu’une demande de grâce ou de commutation de peine soit adressée aux autorités, elle contrevient au droit international. Là où la diyah existe, elle doit s’accompagner d’un système public distinct permettant de demander officiellement une grâce ou une commutation de peine. » (Rapport d’activité du Rapporteur spécial devant l’Assemblée générale des Nations unies, A/61/311, paragraphe 61)

Amnesty International est d’autant plus inquiète face au grand nombre de peines capitales prononcées au Pakistan que beaucoup de sentences semblent être imposées à l’issue de procès inéquitables, caractérisés par l’absence de possibilité pour les accusés de consulter un avocat et l’acceptation d’éléments de preuve irrecevables au regard du droit international, même devant des tribunaux spéciaux. Les membres de minorités religieuses semblent exposés de manière disproportionnée à la discrimination et à des condamnations inéquitables et erronées dans des affaires où l’accusé encourt la peine de mort.

Le 18 décembre 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 62/149 appelant à un « Moratoire sur l’application de la peine capitale ». La résolution a été adoptée par 104 voix pour, 54 voix contre et 29 abstentions. Le précédent gouvernement du président Pervez Musharraf avait voté contre la résolution. Une deuxième résolution (63/168) en faveur du moratoire a été adoptée un an plus tard, en décembre, avec une plus grande marge de soutien encore. Amnesty International avait été déçue que le Pakistan vote contre la résolution en dépit de la promesse du Premier ministre Yousouf Raza Gillani d’envisager une commutation des peines de mort le 21 juin 2008.

Nous demandons instamment au président pakistanais de donner suite à la proposition du Premier ministre Gillani et de suivre l’exemple donné par l’ancienne Premier ministre Benazir Bhutto qui, peu après son élection au poste de Premier ministre en 1988, avait commué toutes les peines de mort en peines d’emprisonnement à perpétuité.

Le mouvement en faveur de l’abolition de la peine de mort gagne du terrain à travers le monde. À ce jour, 139 pays, parmi lesquels le Sri Lanka, les Philippines et le Népal, ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Le Pakistan a envoyé un signal positif en ratifiant trois traités relatifs aux droits humains en avril 2008.

Amnesty International appelle aujourd’hui le président pakistanais à saisir l’occasion de l’anniversaire de Benazir Bhutto et,un an après la proposition de commutation du Premier ministre Yousouf Raza Gillani, de commuer toutes les peines de mort en peines d’emprisonnement à vie comme premier pas vers l’abolition de la peine de mort.

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