Gambie. Des centaines de personnes accusées de « sorcellerie » et intoxiquées dans le cadre d’une campagne gouvernementale

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a révélé ce mercredi 18 mars 2009 que près d’un millier de personnes en Gambie ont été kidnappées dans leurs villages par des « guérisseurs », qui les ont conduites dans des centres de détention secrets et forcées à boire des potions hallucinogènes. Ces événements se déroulent sur fond de « campagne de chasse aux sorcières » qui sème la terreur dans tout le pays.

L’organisation a engagé le gouvernement gambien à mettre un terme immédiat à cette campagne, à enquêter sur ces événements et à déférer les responsables présumés à la justice.

Selon des témoins oculaires et des victimes, les « guérisseurs », originaires de la Guinée voisine, sont accompagnés par des policiers, des militaires et des agents des services de renseignements. Ils sont également accompagnés de membres de la garde personnelle du président gambien Yahya Jammeh.

D’après les informations livrées à Amnesty International par les victimes et leurs proches, les « guérisseurs » se rendent dans les villages avec une escorte armée et emmènent de force, parfois sous la menace d’une arme, les villageois qu’ils accusent d’être des « sorciers » – pour la plupart des personnes âgées. Ceux-ci sont conduits dans des centres de détention secrets.

Dans ces centres, où certains ont été retenus pendant cinq jours, ils sont contraints de boire des substances inconnues qui leur donnent des hallucinations et des réactions imprévisibles. Beaucoup avouent alors sous la contrainte qu’ils pratiquent la sorcellerie. Ils sont parfois roués de coups, jusqu’à frôler la mort.

La potion ingurgitée a causé de graves troubles rénaux à nombre d’entre eux. On sait que deux personnes sont mortes des suites de troubles rénaux après avoir subi cette épreuve.

Les faits les plus récents se sont déroulés le 9 mars 2009 dans le village de Sintet, dans le district de Foni Jarrol, où quelque 300 personnes ont été conduites de force dans la ferme du président à Kanilai. Voici ce qu’a raconté un témoin oculaire :
« À 5 heures du matin, des policiers paramilitaires armés de fusils et de pelles ont encerclé notre village et averti les villageois que tous ceux qui tenteraient de s’enfuir seraient enterrés six pieds sous terre. La terreur s’est emparée de notre village… Les enfants pleuraient, traumatisés. Les policiers ont désigné au hasard plus de 300 hommes et femmes, les ont contraints sous la menace des armes à monter dans des bus et les ont emmenés au village natal du président. Une fois là-bas, on les a déshabillés et forcés à boire de l’" eau sale " avec des herbes, avant de les baigner avec ces mêmes herbes. Nombre de villageois, après avoir bu ces herbes toxiques, ont eu instantanément la diarrhée et ont vomi tandis qu’ils étaient étendus, impuissants. Je suis resté là-bas cinq jours. J’ai vécu ces violences et cette humiliation, et j’en ai été témoin. J’ai vraiment du mal à croire que cela se passe en Gambie. Cette pratique sort tout droit de l’âge des ténèbres. »

Ces faits se sont déroulés dans le district de Foni Kansala, secteur proche de la ferme du président Yahya Jammeh située à Kanilai. Toutefois, de nombreuses personnes affirment que la « chasse aux sorcières » va s’étendre à tout le reste de la Gambie. Des centaines de Gambiens ont déjà fui vers la Casamance, au Sénégal, après l’attaque de leurs villages.

Les guérisseurs ont été invités en Gambie au début de l’année, peu après la mort de la tante du président. Celui-ci serait persuadé que la sorcellerie est en cause dans son décès.

Le 8 mars, Halifa Sallah, figure éminente de l’opposition qui a écrit sur les activités des guérisseurs dans le principal journal d’opposition, Foroyya, a été arrêté à son domicile. Depuis lors inculpé de sédition et d’espionnage, il est incarcéré à Mile II, la prison centrale de Gambie. Sa prochaine audience doit avoir lieu le 25 mars. Amnesty International craint qu’il ne soit torturé ou maltraité, et jugé dans le cadre d’un procès inique.

Halifa Sallah est un ancien membre du Parlement panafricain et le responsable de la minorité à l’Assemblée nationale. Il est secrétaire général de l’Organisation démocratique populaire pour l’indépendance et le socialisme (PDOIS) et coordinateur de l’Alliance nationale pour la démocratie et le développement (NADD). Il s’est présenté à l’élection présidentielle gambienne en 2006.

Toutes les infos
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit