Israël : Il faut que la Knesset rejette le projet de loi qui exposerait les demandeurs d’asile à de graves dangers

Dans une Note
(http://www.amnesty.org/en/library/info/MDE15/024/2008/en) adressée à la commission des affaires intérieures et de l’environnement de la Knesset (le parlement israélien), Amnesty International exhorte les parlementaires à rejeter une proposition de loi imposant de longues peines de prison aux demandeurs d’asile et migrants en situation irrégulière, quelles que soient leurs raisons pour se trouver dans le pays et autorisant leur expulsion immédiate, sans égard pour les persécutions ou mauvais traitements dont ils pourraient faire l’objet à leur retour. La commission se réunit le 24 juin pour débattre du projet de loi intitulé Loi de Prévention de l’infiltration – 2008.

Le projet de loi prévoit le placement automatique en détention, avant expulsion dans les soixante-douze heures, de toute personne entrant dans le pays en dehors d’un point de passage autorisé aux frontières ; les personnes ne pouvant être immédiatement expulsées seraient condamnées à une peine d’emprisonnement de cinq années « sans distinction d’identité ou d’intention lors de l’infiltration ». Les résidents et citoyens d’une liste de dix États ou territoires, y compris de pays tels que le Soudan et l’Irak d’où arrivent de nombreux réfugiés, risqueraient jusqu’à sept ans de prison. Le projet de loi ne prévoit aucune disposition pour les demandeurs d’asile fuyant des violences ou des persécutions.

Amnesty International reconnaît le droit d’Israël d’assurer la sécurité de ses frontières et de réguler l’entrée des étrangers sur son territoire. Toutefois, l’organisation s’inquiète de l’impact potentiel de ce projet de loi sur les droits des demandeurs d’asile et ressortissants d’autres États. Considérer les personnes en situation irrégulière comme des délinquants, sans tenir compte des raisons qui ont présidé à leur venue ni des risques que leur ferait encourir une expulsion, empêche de fait des personnes arrivant en Israël de demander l’asile. Ce projet de loi ferait de personnes cherchant à fuir les persécutions des délinquants potentiels.

La procédure de détention et d’expulsion décrite dans le projet de loi, en particulier le pouvoir discrétionnaire accordé aux fonctionnaires pour procéder à l’expulsion d’une personne dans les soixante-douze heures, ne sont pas conformes aux obligations d’Israël au regard des traités internationaux, notamment la Convention sur les réfugiés qui interdit l’expulsion des personnes vers des pays où de graves atteintes à leurs droits fondamentaux sont à craindre.

Le projet de loi ne tient pas compte de la situation particulièrement vulnérable des demandeurs d’asile et des réfugiés. Une telle procédure priverait de fait des personnes fuyant des persécutions de l’accès à la procédure de détermination du statut de réfugié et ne serait pas conforme aux obligations internationales légales d’Israël en tant qu’État partie à la Convention des réfugiés de 1951 et à son Protocole de 1967.

Amnesty International exhorte les membres de la Knesset à veiller à ce que toute disposition relative à la sécurité nationale ou à l’immigration respecte pleinement les obligations internationales d’Israël relatives aux droits humains, notamment en assurant la protection de toutes les personnes relevant de leur autorité, quel que soit leur statut en termes d’immigration et à faire en sorte que nul ne soit renvoyé vers un pays où de graves atteintes à ses droits fondamentaux sont à craindre.


Complément d’information

Le projet de loi « Prévention de l’infiltration – 2008 » doit remplacer une loi de 1954 adoptée au titre de la législation d’urgence d’Israël. Le projet de loi a été présenté en première lecture à la Knesset par le vice-ministre de la défense Matan Vilnaï au nom du gouvernement, le 19 mai 2008. Il a ensuite été soumis le 3 juin 2008 à la commission des affaires intérieures et de l’environnement de la Knesset en préparation d’une seconde et d’une troisième lecture. Les lois sont adoptées en troisième lecture.

Depuis 2005, jusqu’à 8 000 Erythréens, Soudanais et ressortissants d’autres pays entrés en Israël via la frontière avec l’Égypte ont demandé l’asile politique. Si la loi proposée avait été en vigueur, toutes ces personnes auraient été considérées comme des « infiltrateurs » et auraient pu être immédiatement expulsées vers l’Égypte, quels qu’aient pu être les risques de persécutions encourus par ces personnes.

En août 2007, 48 ressortissants de plusieurs pays africains, la plupart d’entre eux Soudanais, ont été expulsés de force vers l’Égypte par les forces israéliennes peu après avoir traversé la frontière entre l’Égypte et Israël dans le Sinaï. Ils ont été détenus au secret pendant des mois en Égypte et une vingtaine d’entre eux ont été rapatriés de force au Soudan, y compris sept ou huit d’entre eux qui avaient pourtant le statut de réfugié en Égypte. On ignore le sort réservé aux 28 autres. En juin 2008, les autorités égyptiennes ont rapatrié de force jusqu’à 1 000 demandeurs d’asile vers l’Érythrée, en dépit de directives émises par le HCR pour s’opposer au renvoi des demandeurs d’asile érythréens déboutés, en raison du bilan catastrophique de l’Érythrée en matière de respect des droits humains, et à l’heure où nous imprimons ces lignes de nouvelles expulsions sont attendues. Les personnes expulsées n’ont pas eu accès au bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et n’ont pu faire évaluer leur besoin de protection. Depuis janvier 2008, environ 14 ressortissants de pays africains, parmi lesquels des demandeurs d ‘asile potentiels du Soudan et d’Érythrée, auraient été abattus par les garde-frontières égyptiens alors qu’ils tentaient de franchir la frontière entre l’Égypte et Israël dans le Sinaï. Parmi les personnes qu auraient été tuées en essayant de traverser la frontière pour se rendre en Israël se trouveraient deux hommes originaires, semble-t-il, de Côte d’Ivoire, un Soudanais et une femme érythréenne, abattus par les forces de sécurité égyptiennes en mars 2008 (Amnesty International. Two more migrants killed at Egypt/Israel border, 28 mars 2008, http://www.amnesty.org/en/news/two-more-migrants-killed-egypt-israel-border-20080328) ainsi que six migrants africains, originaires du Soudan pour plusieurs d’entre eux, abattus dans des circonstances analogues en février 2008.

Depuis 2006, de plus en plus de Soudanais et autres demandeurs d’asile ont été placés en détention pendant de longues périodes après être entrés en Israël venant d’Égypte ; les personnes, mineurs compris, placées au centre de détention de Ketziot, dans le désert israélien au sud du pays,sont souvent détenues dans des conditions déplorables.

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