L’exil et la souffrance-Les réfugiés palestiniens au Liban : suite

Ce rapport expose de manière détaillée la situation des réfugiés palestiniens au Liban.
Comme annoncé, ce rapport est l’occasion d’une série d’actions qui seront menées conjointement avec la coordination Liban.
Une première action « enfants » vous a été proposée.
Nous poursuivons avec une action relative au droit au travail et à la sécurité sociale.
La discrimination et la marginalisation infligées aux réfugiés palestiniens prennent notamment la forme de restrictions relatives au marché du travail, ce qui se traduit par un taux de chômage élevé, de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. Jusqu’en 2005, plus de 70 professions étaient interdites aux palestiniens. Une vingtaine le sont toujours.
La santé et la sécurité des Palestiniens sont également menacées en raison des lois discriminatoires qui les privent de sécurité sociale au motif qu’ils sont apatrides.

Vous trouverez le rapport complet à l’adresse reprise à la fin de l’article.

Extraits :

1. Discrimination sur le marché du travail

La discrimination à l’égard des Palestiniens sur le marché du travail libanais a été évoquée par pratiquement tous les réfugiés avec lesquels les délégués d’Amnesty International se sont entretenus. Citons une femme de vingt-sept ans, mère de six enfants et belle-mère de sept autres, vivant dans le regroupement d’El Maachouk : « Même si nous faisons des études, on ne nous laisse pas avoir un [bon] emploi. » C’est également l’avis de Hania, une femme seule qui élève difficilement six enfants dans le nord du Liban : « Même avec un doctorat on ne peut pas occuper un emploi de comptable. Un ingénieur diplômé est forcé d’accepter un emploi d’ouvrier. »

Mazen, vingt-quatre ans, également résident du camp d’Al Bouss, raconte : « Je cherche du travail depuis cinq mois. J’ai [récemment] passé un entretien dans une société d’informatique. Ils ne savaient pas que j’étais palestinien. Après l’entretien, quand j’ai rempli un formulaire sur lequel je devais indiquer ma nationalité, ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas embaucher un Palestinien. Ils ne pouvaient rien faire pour moi parce que je n’ai pas de permis de travail. »

Plus de 70 emplois et professions ont été interdits durant de longues années aux Palestiniens par arrêté ministériel. En juin 2005, prenant une initiative opportune, le ministère du Travail a levé l’interdiction frappant 50 emplois et professions énumérés dans les amendements à l’arrêté de 1962 introduits en 1995, comme suit :
« a) Employés : Tous les postes administratifs et commerciaux, notamment : directeur général, directeur, chef du personnel, trésorier, secrétaire, archiviste, employé au classement, informaticien, directeur commercial, directeur du marketing, expert-conseil en administration des affaires, contremaître, magasinier, vendeur, cambiste, bijoutier, laborantin, pharmacien, électricien, électronicien, peintre en bâtiment, vitrier, mécanicien, agent de maintenance, portier, concierge, gardien, chauffeur, cuisinier, serveur, coiffeur, professeur dans l’enseignement primaire, intermédiaire et secondaire…
« b) Employeurs : Entreprises commerciales en tout genre, banque, bureaux de change, comptabilité, experts en assurance, bureaux d’étude tous domaines, passation de marchés, immobilier, bijouterie, industrie de la chaussure, confection, industrie du meuble et activités connexes, confiserie, imprimerie, édition et distribution, coiffure, blanchisserie et nettoyage à sec, réparation automobile (carrosserie, mécanique auto, vitres, sellerie et garnitures, appareillage électrique(42)) ».

Toutefois, malgré cette initiative et les efforts déployés par le gouvernement actuel, en coopération avec l’UNRWA et d’autres organisations, pour améliorer l’employabilité des Palestiniens du Liban, la question des droits des Palestiniens sur le marché du travail continue à susciter de profondes préoccupations.

La famille Husseini compte 18 personnes. Ces Palestiniens sont installés au Liban depuis 1948. Ils vivent à Jal el Bahr, non loin de Tyr, un regroupement pratiquement dépourvu d’infrastructures. Les seuls membres de la famille qui disposent de revenus sont trois pêcheurs. Seuls les citoyens libanais peuvent obtenir le permis nécessaire pour posséder un bateau de pêche. Les Palestiniens ont donc besoin de s’associer avec un Libanais au nom duquel le bateau est enregistré. Ils sont ensuite contraints de lui donner une part importante de leur pêche. Ils ont également besoin pour vendre le poisson d’un permis qu’ils ne peuvent obtenir. S’ils sont interceptés par la police, ils sont passibles d’une amende de 300000 LL (environ 150 euros).

2. Insuffisance des soins médicaux

« Nous ne pouvons pas bénéficier de soins médicaux corrects parce que nous sommes palestiniens. Chez nous, si un enfant est malade, il meurt. » C’est dans ces termes qu’une Palestinienne enregistrée auprès de l’UNRWA, résidente du regroupement d’El Maachouk, a décrit la situation sanitaire des Palestiniens au Liban.

Les soins médicaux coûtent cher au Liban. Ils ne sont que partiellement pris en charge par l’UNRWA, et uniquement pour les réfugiés enregistrés. Les soins secondaires sont rarement pris en charge. Par ailleurs, les camps et les regroupements connaissent une pénurie de professionnels de la santé. Le nombre de centres de soins est insuffisant, et le matériel laisse à désirer.

Les conséquences pour les réfugiés peuvent être catastrophiques. Ahmed Moussa, qui vit dans le camp de Nahr el Bared, non loin de Tripoli, a déclaré à Amnesty International : « Mon beau-père souffrait de gangrène à la jambe. L’UNRWA a payé l’hôpital, mais la famille a dû trouver de l’argent pour les médicaments, environ un million de LL. Nous avons été aidés par des ONG, mais on n’a pas pu réunir toute la somme, et son état de santé s’est dégradé. »

Voici le récit de Yasmin, qui vit à El Maachouk : « Mon fils de quatorze ans s’est cassé la jambe. Il faut lui mettre une broche qui coûte 250000 LL. Je n’ai pas les moyens de payer, alors il reste à la maison. L’UNRWA paiera la moitié des frais d’hospitalisation, mais pas le coût de la broche. »

Le droit à la santé de nombre des réfugiés palestiniens au Liban – un droit inscrit dans des traités que les autorités libanaises se sont engagées à respecter – est manifestement violé, puisque les soins médicaux qui leur sont fournis sont insuffisants.

Le gouvernement libanais qualifie lui-même d’« insupportables » les conditions de vie des réfugiés palestiniens, mais il n’a pas pris de mesures efficaces pour les améliorer et ne remplit pas son obligation de garantir que toutes les personnes vivant au Liban, y compris les réfugiés palestiniens, bénéficient au moins d’un niveau minimum de soins médicaux essentiels. Les autorités libanaises ont reconnu ce qui suit : « La prévalence des maladies parmi les enfants palestiniens est directement liée à la pauvreté, aux mauvaises conditions de logement et à un environnement insalubre… Quant aux campements "sauvages" [des réfugiés palestiniens au Liban], les conditions de vie y sont encore pires que dans les camps officiels, et les résidents y souffrent des multiples problèmes liés à la dégradation des conditions sanitaires et environnementales et de l’absence des services sociaux les plus élémentaires… La rareté des services sociaux à tous les niveaux, assurés par l’UNRWA ou par le Gouvernement libanais, rend les conditions de vie et la situation sociale insupportables. »

La santé et la sécurité des Palestiniens sont également menacées en raison des lois discriminatoires qui les privent de protection sociale au motif qu’ils sont apatrides.
L’accès à la protection sociale pour les étrangers dépend de l’application de la réciprocité dans le pays d’origine du non-ressortissant. Ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, la réciprocité ne peut s’appliquer aux Palestiniens, qui sont apatrides. L’article 9-4 de la Loi libanaise sur la sécurité sociale dispose :
« Les salariés étrangers travaillant sur le territoire libanais ne sont soumis aux dispositions de la présente loi pour une partie des branches de la sécurité sociale ou toutes les branches que si l’État dont ils relèvent reconnaît aux Libanais le principe de l’égalité de traitement avec ses ressortissants en ce qui concerne la sécurité sociale56. »
Cette disposition, qui prive les réfugiés palestiniens de toute protection sociale, contrevient aux obligations du Liban au regard du droit international relatif aux droits humains.
Le droit à la sécurité sociale est formulé à l’article 9 du PIDESC, qui prévoit :
« Les États parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales », ainsi qu’à l’article 5-e-iv de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, aux articles 11-1-e et 14-2-c de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à l’article 26 de la Convention relative aux droits de l’enfant ; il est également garanti par plusieurs dispositions de l’Organisation internationale du travail (OIT).


Vous trouverez en fichiers attachés :
 la liste des autorités libanaise
 une lettre à adresser aux autorités libanaises.

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