Chine. Compte à rebours avant les Jeux olympiques : d’importantes réformes sont menacées par l’intensification de la répression


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ASA 17/019/2007

Malgré d’importantes réformes du système lié à la peine capitale et de nouvelles règles pour les journalistes étrangers en Chine, le pays ne semble guère progresser dans d’autres domaines relatifs aux droits humains et aux Jeux olympiques ; en outre, la répression des militants des droits humains et des journalistes chinois s’intensifie, a déclaré Amnesty International ce 30 avril.

Lors de sa dernière évaluation des progrès de la Chine vers l’amélioration promise des droits humains, en prévision des Jeux olympiques de 2008 à Pékin, Amnesty International a également conclu que les Jeux olympiques semblent servir de catalyseur pour étendre le recours à la détention sans procès, au moins à Pékin.

« Le niveau supplémentaire d’examen judiciaire pour les condamnations à mort et l’assouplissement des restrictions imposées aux journalistes étrangers constituent des étapes importantes vers un meilleur respect des droits humains en Chine. Malheureusement, ces évolutions se sont accompagnées de mesures visant à étendre le recours à la détention sans procès et l’assignation à résidence de militants, et d’un renforcement des contrôles sur les médias nationaux et l’Internet », a déclaré Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Cette absence d’égalité de libertés et de droits entre les journalistes nationaux et internationaux ressemble fort à un double langage. La Chine doit encore tenir sa promesse d’assurer la ‘liberté complète des médias’ lors des Jeux olympiques. »

Cette approche semble être liée à une préoccupation générale de « stabilité » et d’« environnement social favorable » pour l’accueil des Jeux olympiques. Ces préoccupations sont compréhensibles de la part de tout pays accueillant un événement international d’une telle ampleur, mais ses politiques et pratiques doivent se fonder sur le respect de l’état de droit et des droits humains ; dans le cas contraire, elles risquent d’aggraver les mécontentements.

Les mesures pour réformer ou abolir la « rééducation par le travail » sont bloquées, les Jeux olympiques servant apparemment de prétexte pour en faire un usage accru, afin de « nettoyer » Pékin à temps pour août 2008. La police pékinoise a récemment laissé entendre qu’une autre forme de détention sans procès, « la réhabilitation obligatoire des toxicomanes » pourrait être prolongée de six mois à un an afin de forcer les toxicomanes à « se libérer de leur accoutumance avant les Jeux olympiques ».

« Si les autorités chinoises et le Comité international olympique [CIO) veulent réellement que ces jeux laissent un ‘ héritage durable’ à la Chine, ils doivent s’inquiéter de voir ces jeux utilisés comme prétexte pour renforcer et prolonger des formes de détention que la Chine prévoit de réformer depuis de nombreuses années », a ajouté Catherine Baber.

Amnesty International a envoyé des exemplaires de son dernier rapport aux autorités chinoises et au CIO, en soulignant que ces questions concernent au premier chef l’organisation des Jeux olympiques à Pékin et les principes fondamentaux de la Charte olympique, comme la « préservation de la dignité humaine ».

« Le CIO ne saurait accepter des Jeux olympiques gâchés par des atteintes aux droits humains, qu’il s’agisse de familles expulsées de force de leurs domiciles pour céder la place à des arènes sportives, ou du nombre croissant de militants pacifiques assignés à résidence pour les empêcher d’attirer l’attention sur la question des droits humains », a déclaré Catherine Baber.


Note d’information

Dans la perspective des Jeux de 2008 à Pékin, Amnesty International publie des évaluations régulières, se concentrant sur quatre thèmes principaux relatifs aux droits humains et aux Jeux : les militants des droits humains, la liberté des médias, la peine de mort et la détention sans procès. Voici les conclusions principales de la dernière étude :


Militants des droits humains

Les militants des droits humains bénéficiant d’une meilleure tolérance sont moins nombreux que ceux qui sont harcelés pour avoir signalé des violations des droits humains ou fait campagne à leur sujet. Deux dissidents chinois de longue date, ayant participé au mouvement pro-démocratie de 1989, ont pu se rendre à Hong Kong pour la première fois à la mi-avril, et Gao Yaojie, militant des droits relatifs au VIH/SIDA, a pu se rendre aux États-Unis pour y recevoir un prix. Cependant, bien d’autres militants subissent des intimidations, des détentions arbitraires ou une surveillance indiscrète visant des membres de leur famille.

*Ye Guozhu continue à purger une peine de quatre ans de prison en lien avec sa tentative d’organiser une manifestation contre des expulsions forcées présumées à Pékin. Selon ses proches, il souffre de problèmes de santé, en partie dus à la torture subie en détention, notamment lors d’un épisode récent, à la fin 2006 : selon des sources d’informations locales, Ye Guozhu a été frappé à coups de matraque électrique par des gardiens de la prison de Chaobai, à Pékin. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et demande sa libération immédiate et inconditionnelle.

*L’avocat Gao Zhisheng est assigné par la police à son domicile, après avoir été condamné pour « incitation à la subversion » en décembre 2006, en lien avec ses activités pacifiques en faveur des droits humains. Il a déclaré à d’autres militants des droits humains qu’il avait subi des mauvais traitements lors de ses quatre mois de détention officielle par la police, notamment en étant menotté et forcé de s’asseoir sur un siège métallique ou de garder les jambes croisées pendant une période prolongée, ou en étant soumis à de fortes lumières. Gao Zhisheng affirme n’avoir accepté d’avouer son « délit » que pour protéger sa famille.

Liberté des médias

Bien que le gouvernement ait promis une « liberté complète des médias » pendant les Jeux olympiques, il applique deux poids et deux mesures aux journalistes nationaux et étrangers. Le 1er janvier 2007, de nouvelles règles sont entrées en vigueur pour les journalistes étrangers, leur évitant de demander l’autorisation des autorités locales pour mener des entretiens ou des enquêtes. Cependant, le public chinois risque de se voir refuser l’accès aux reportages étrangers sur des sujets sensibles, en particulier après l’introduction de règles en septembre dernier, qui ont renforcé le contrôle officiel sur la diffusion nationale des nouvelles provenant d’agences étrangères en Chine. Au cours de ces derniers mois, d’autres décrets officiels ont renforcé le contrôle sur des médias nationaux, qui désormais :

 doivent obtenir une autorisation avant d’aborder des événements historiques « sensibles »
 ont l’interdiction de diffuser des nouvelles sur 20 sujets spécifiques, notamment la corruption judiciaire et les campagnes en faveur des droits humains
 sont soumis à un nouveau système de points de pénalité, qui peut entraîner leur fermeture s’ils perdent tous leurs points pour « torts ». Ce système vise à créer un « environnement social positif en prévision […] des Jeux olympiques de l’année prochaine », selon un responsable gouvernemental des médias cités dans le South China Morning Post.

Ces derniers mois, les autorités chinoises ont également essayé de renforcer leur contrôle sur Internet, en censurant encore davantage certains sites Web, blogs et articles en ligne. Par exemple, un site Web diffusant des nouvelles sur Internet, www.ccztv.com, a été fermé en mars.

Peine de mort

Le 1er janvier 2007, la Cour populaire suprême (SPC) a officiellement repris son rôle de confirmation de toutes les condamnations à mort, mesure qu’Amnesty International a saluée, dans l’espoir qu’elle réduirait le nombre de personnes condamnées à mort et accélérerait les réformes du système judiciaire, pour qu’il se conforme davantage aux normes internationales pour un procès équitable.

Malheureusement, le manque de transparence rend difficile l’évaluation de l’efficacité réelle de la SPC. Par exemple, l’agence de presse officielle Xinhua a signalé ce 19 mars que la SPC avait approuvé quatre condamnations à mort depuis le 1er janvier. Pourtant, Amnesty International, en surveillant les médias chinois, a relevé l’exécution d’au moins 13 autres personnes au cours de cette période : aucune d’elles n’appartient au groupe nommé par l’agence Xinhua. Amnesty International demande aux autorités chinoises de publier des détails supplémentaires sur les examens de la SPC, ainsi que des statistiques nationales complètes sur les condamnations à mort et les exécutions.

Détention sans procès

« Nous n’excluons pas la possibilité d’obliger tous les toxicomanes de la capitale à se libérer de leur accoutumance avant les Jeux olympiques ». Fu Zhenghua, directeur adjoint du Bureau de sécurité publique de Pékin.

Amnesty International continue de recevoir des informations faisant régulièrement état de personnes soumises à la « réhabilitation par le travail » ou d’autres formes de détention administrative imposées sans inculpation, procès ou examen judiciaire. Notre organisation craint que ces systèmes abusifs soient utilisés pour détenir les petits délinquants, les vagabonds, les toxicomanes et autres, afin de « nettoyer » Pékin en prévision des Jeux olympiques.

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