République tchèque. Inquiétudes concernant l’équité du procès de Yekta Uzunoglu

Déclaration publique

EUR 71/001/2007

Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles Yekta Uzunoglu, citoyen turc d’origine kurde, arrêté à l’origine en 1994, s’est vu refuser le droit à un procès équitable. Yekta Uzunoglu a également affirmé avoir été soumis à la torture et d’autres mauvais traitements par les forces de l’ordre.

Selon les informations reçues par Amnesty International, Yekta Uzunoglu a été arrêté en sortant de son appartement, le 13 septembre 1994. Cette arrestation se fondait sur un témoignage d’un autre citoyen turc, Göksel Otan, qui vivait en République tchèque sous le pseudonyme de Gurkan Gönen, en travaillant semble-t-il comme informateur de la police. Göksel Otan a accusé Yekta Uzunoglu de l’avoir enlevé et torturé. Cependant, dans des déclarations remises à l’époque à l’avocat de Yekta Uzunoglu, plusieurs témoins – des représentants de la société pharmaceutique Boots et d’une entreprise de cosmétiques turque, ainsi que plusieurs Tchèques – ont déclaré que Yekta Uzunoglu se trouvait en leur compagnie au moment où l’acte de torture était censé avoir lieu. Yekta Uzunoglu a été inculpé d’un certain nombre d’infractions, dont la torture, la limitation de la liberté personnelle, le complot avec intention de donner la mort, le vol, la fraude et la détention d’armes sans autorisation.

Yekta Uzunoglu affirme que peu de temps après son arrestation, et alors qu’il se trouvait en détention, il avait été soumis à « de la torture physique, des tourments et une terreur psychologique ». En 1996, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Jan Ruml, aurait reconnu que Yekta Uzunoglu avait subi des violences policières.

Les poursuites pour triple complot avec intention de donner la mort ou préméditation de meurtre ont été abandonnées le 10 avril 1995, et celles pour fraude économique le 5 juin 1998. En ce qui concerne la détention illégale d’armes à feu, selon une déclaration à la Chambre des députés du ministre de la Justice de cette époque, Jan Kalvoda, Yekta Uzunoglu avait été poursuivi « par erreur », et le ministre s’en était excusé lors de sa réponse aux questions des députés.

Bien que la citoyenneté allemande lui ait été accordée pendant qu’il se trouvait en prison, Yekta Uzunoglu a choisi de rester en République tchèque après sa libération le 12 mars 1997 (après trente et un mois de détention), afin d’exercer des voies de recours, car les poursuites pour torture et limitation de la liberté personnelle n’avaient pas été abandonnées. Yekta Uzunoglu a interjeté appel du jugement de septembre 2003 pour mettre un terme à son affaire, avançant qu’il voulait faire valoir son droit d’être acquitté par un tribunal des inculpations de torture et de limitation de la liberté personnelle.

L’audience principale du tribunal d’appel a commencé le 25 juin 2004. Cependant, cette audience a subi un retard considérable parce que Göksel Otan, la victime présumée et témoin, ne s’était pas présenté au tribunal à de nombreuses reprises, et que la police ne s’était pas assurée de sa présence au tribunal. Le tribunal n’avait pas non plus convoqué les témoins fournissant un alibi à Yekta Uzunoglu. Göksel Otan s’est présenté pour la première fois le 24 août 2006 ; il a été interrogé et entendu par le tribunal le 25 août 2006, puis le 5 et 6 octobre 2006. Göksel Otan a rétracté son premier témoignage, déclarant à plusieurs reprises que Yekta Uzunoglu ne l’« avait pas torturé, et n’aurait pu [le] torturer, puisqu’il n’était pas présent durant l’acte de torture ». La dernière audience principale a eu lieu le 6 octobre 2006, lorsque Göksel Otan a répété que Yekta Uzunoglu n’était pas présent pendant l’acte qui lui avait été imputé. Après avoir entendu les témoignages et les déclarations, les dernières audiences du tribunal ont repris ce 27 mars.

Pendant tout ce temps, l’affaire de Yekta Uzunoglu a été soutenue par le Comité Helsinki tchèque, qui s’est impliqué dans cette affaire dès son commencement, en 1994. Au fil des ans, le Comité a exprimé publiquement et à plusieurs reprises ses préoccupations quant au traitement de cette affaire par la police. La Fondation Charta 77, par la voix de son président František Janouch, a également exprimé sa solidarité et son soutien à Yekta Uzunoglu, ainsi que son inquiétude concernant l’illégalité de la procédure.

Les normes internationales exigent qu’une personne inculpée d’une infraction pénale soit jugée dans un délai raisonnable. Ce droit est inscrit dans l’article 14(3)(c) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui exige que les procès pour inculpation pénale prennent place sans retard indu, ainsi que dans l’article 6(1) de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui exige que tous les procès (pénaux ou autres) soient menés dans un délai raisonnable. Les autorités ont le devoir de mener une procédure prompte. Si elles ne parviennent pas à faire avancer cette procédure pour raison de négligence, si elles laissent l’enquête ou la procédure stagner ou s’il leur faut un délai déraisonnable pour prendre des mesures spécifiques, ce délai sera alors considéré juridiquement comme déraisonnable. De même, si le système de justice pénal lui-même ralentit la conclusion d’un procès, il peut violer le droit à ce que ce procès soit achevé dans un délai raisonnable.

À la lumière du compte rendu de la procédure présenté ci-dessus, Amnesty International exhorte les autorités tchèques à enquêter sur les violations procédurales des droits de Yekta Uzunoglu à un procès équitable, notamment le droit d’être jugé sans délai excessif, le droit de convoquer et d’interroger les témoins selon le principe de l’égalité d’armes, et le droit à une défense efficace. Amnesty International demande également aux autorités d’examiner le traitement de cette affaire pour identifier les failles du système de justice pénale ayant conduit au refus de procès équitable subi par Yekta Uzunoglu, afin d’empêcher toute répétition à l’avenir. Enfin, Amnesty International souhaiterait des détails sur toute enquête portant sur les allégations de torture et de mauvais traitements de Yekta Uzunoglu en détention, et sur les résultats de cette enquête.

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