Écrire Un homme torturé risque d’être exécuté en lien avec les manifestations

Reza Rasaei, Kurde iranien membre de la minorité religieuse yarsan, risque d’être exécuté d’un moment à l’autre en lien avec le mouvement « Femme. Vie. Liberté. », la Cour suprême ayant rejeté sa demande de révision judiciaire le 16 janvier.

Sa condamnation à mort a été prononcée à l’issue d’un procès manifestement inique reposant sur ses « aveux » obtenus au moyen d’actes de torture qui lui ont été infligés ; il a notamment été frappé, étouffé, suspendu et soumis à des décharges électriques ainsi qu’à des violences sexuelles.

Reza Rasaei a été arrêté le 24 novembre 2022 à Chahriar, dans la province de Téhéran, six jours après avoir participé à une commémoration annuelle de la mort d’un chef spirituel yarsan organisée le 18 novembre à Sahneh. Cette cérémonie a tourné à la manifestation, notamment lorsque des personnes se sont mises à demander vérité et justice pour l’homicide illégal de Kian Pirfalak, tué deux jours avant par les forces de sécurité à Izeh (province du Khuzestan) dans le contexte des manifestations du mouvement « Femme. Vie. Liberté. »

Au cours de la manifestation du 18 novembre 2022 à Sahneh, un agent du Service des enquêtes des gardiens de la révolution est mort après avoir reçu de multiples blessures à l’arme blanche. Les autorités ont accusé Reza Rasaei, parmi d’autres personnes présentes à la commémoration, d’avoir poignardé le fonctionnaire, ce qu’il a nié à plusieurs reprises. Selon une source bien informée, après son arrestation, Reza Rasaei a été conduit dans un centre de détention dirigé par le Service des enquêtes des gardiens de la révolution à Sahneh, où des agents l’ont violemment battu, soumis à des décharges électriques et étouffé en lui plaçant un sac plastique sur la tête.

D’après des informations obtenues par Amnesty International, il a également subi d’autres méthodes de torture, consistant notamment à le suspendre au plafond les mains et les jambes attachées derrière le dos pendant de longues heures. Une autre source bien informée a indiqué à l’organisation que des agents avaient également infligé des violences sexuelles à Reza Rasaei, en le déshabillant entièrement devant d’autres détenus et en appliquant de la glace sur ses parties génitales pendant qu’il était suspendu.

Les gardiens de la révolution ont exercé des pressions intenses sur plusieurs avocats sélectionnés par les proches de Reza Rasaei pour les empêcher de l’assister. Ce n’est qu’une fois la phase d’enquête terminée qu’il a pu trouver un avocat de son choix et s’entretenir avec lui, et il a été transféré à la prison de Dizel Abad vers mars 2023. Son procès devant la deuxième branche du premier tribunal pénal de la province de Kermanchah s’est tenu sur trois audiences, dont la dernière a eu lieu le 21 septembre 2023. Quand Reza Rasaei a dit au juge lors du procès que ses « aveux » forcés avaient été obtenus au moyen d’actes de torture et d’autres mauvais traitements au cours d’interrogatoires pendant les quatre premiers mois de sa détention, le juge lui a simplement demandé de montrer ses ecchymoses dues à la torture, alors qu’il savait que les derniers interrogatoires remontaient à plus de six mois et que les ecchymoses ne seraient plus visibles. Il n’a pas ordonné d’enquête sur les allégations de torture de Reza Rasaei, ni d’examen médicolégal pour vérifier ses dires. Tant au cours de la procédure en appel que pour la demande de révision judiciaire, les tribunaux n’ont pas tenu compte de plusieurs éléments cruciaux, parmi lesquels les communications de l’avocat de Reza Rasaei qui exposaient en détail les irrégularités de l’enquête et sa nature incomplète, notamment les préoccupations concernant l’avis du médecin légiste sur le nombre d’armes utilisées lors des faits. Ces communications soulignaient également que le seul témoin à charge ayant indiqué avoir vu Reza Rasaei poignarder le fonctionnaire par devant était revenu par la suite sur ses déclarations initiales en indiquant qu’elles lui avaient été arrachées sous la torture et au moyen d’autres mauvais traitements.

Entre septembre et décembre 2022, l’Iran a été le théâtre d’un soulèvement populaire sans précédent contre le régime de la République islamique, déclenché par la mort en détention de Jina/Mahsa Amini le 16 septembre 2022, quelques jours après son arrestation arbitraire par la « police des mœurs » iranienne. En réaction, les autorités ont fréquemment et illégalement utilisé des munitions réelles, des projectiles en métal et du gaz lacrymogène, et ont roué de coups des manifestant·e·s. Des centaines de manifestant·e·s et de passant·e·s, dont des dizaines de mineur·e·s, ont été tués illégalement par les forces de sécurité et des milliers d’autres ont été blessés.

À ce jour, les autorités ont exécuté arbitrairement neuf personnes en lien avec les manifestations de 2022, à l’issue de simulacres de procès manifestement iniques entachés d’allégations de torture et dans le contexte d’une multiplication des exécutions de manifestant·e·s et de dissident·e·s ces derniers mois.

Le 23 janvier 2024, les autorités ont exécuté arbitrairement le manifestant Mohammad Ghobadlou au terme d’un procès et d’un jugement entourés du plus grand secret. Son avocat a été prévenu moins de 12 heures à l’avance que l’exécution de son client allait se dérouler, ce qui était non seulement inattendu, mais aussi illégal. Les autorités ont exécuté au moins 14 personnes en lien avec des manifestations depuis 2018. Elles utilisent de plus en plus la peine de mort pour tourmenter et terroriser la population iranienne afin d’imposer le silence et la soumission par la force brutale.

En Iran, les minorités ethniques et religieuses sont victimes de discriminations en droit et
dans la pratique. Les autorités limitent l’accès des minorités ethniques à l’éducation, à l’emploi et aux fonctions politiques. Les minorités religieuses, parmi lesquelles les yarsans, font également l’objet de discriminations notamment en matière d’éducation, d’emploi, d’adoption et d’accès aux fonctions politiques et aux lieux de culte. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. Cette sanction viole le droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où elle est encore en vigueur, y compris l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine de mort.

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